Le ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, Yannick Neuder, affiche sa détermination à prendre à bras-le-corps le dossier du fléau des violences sexistes et sexuelles en santé. À l’occasion d’un déplacement aux Hospices Civils de Lyon (HCL) vendredi 17 janvier, le cardiologue a dévoilé un plan d’actions pour combattre les VSS en santé. Cette initiative, qui concerne aussi bien l’accompagnement des victimes que l’efficacité des procédures, s’inscrit dans la foulée de deux enquêtes alarmantes portées par les Ordres (médecins et infirmiers) ayant montré fin 2024 qu’une professionnelle sur deux déclare avoir été victime de VSS dans son parcours étudiant ou son exercice. Elle s’appuie également sur un rapport ministériel, remis en novembre, intitulé « les violences sexistes et sexuelles sous relation d’autorité ou de pouvoir ».
« L’objectif, a déclaré le ministre, est de contrer une culture spécifique au monde de la santé qui a pu privilégier l’omerta et le silence, au nom de la confraternité et face à des événements difficiles. C’est pour cela que je souhaite embarquer l’ensemble des acteurs, que ce soit en formation, en établissement de santé ou médico-social et en ville. » Ajoutant la nécessité « d’en finir avec l’inacceptable ».
Baromètre annuel et sanctions publiées
Le plan Neuder s’articule autour de quatre axes : l’objectivation et le suivi des situations de violences sexistes et sexuelles, la levée des freins aux signalements, le renforcement de l’efficacité des procédures ainsi que la sensibilisation massive à la lutte et à la prévention contre les violences sexistes et sexuelles.
La transparence est donc le premier défi. Parmi les mesures opérationnelles égrenées figurent la mise en place d’un « baromètre annuel » pour mesurer l’ampleur du phénomène et pour suivre, dans la durée, l’impact des mesures engagées. Cette initiative fait écho à une mesure déjà évoquée en mai par l’ancien ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux, au moment de l’annonce d’un premier plan sur le sujet.
Autre mesure, la transformation du rôle de l’Observatoire national des violences en santé (ONVS) vers la coordination nationale contre les VSS, avec dépôt et suivi des signalements saisis sur cette plateforme. Cette structure devra assurer un « accompagnement psychologique et juridique des victimes » par une équipe dédiée, mettre à disposition des outils et une cartographie des moyens de signalements disponibles et, surtout, s’assurer que tous les établissements, le CNG ainsi que les Ordres professionnels publient « les sanctions et les délais » de traitement liés aux affaires de VSS.
Une campagne nationale de communication est promise pour rappeler les moyens de signalement disponibles, dont l’outil numérique « ONVS 2.0 » et l’application Stop VSST développée par les HCL. L’Agence nationale d’appui à la performance (Anap) accompagnera le déploiement de cette appli sur le territoire.
Réforme des conseils de discipline
Côté hôpital cette fois, l’exécutif prévoit que chaque groupement hospitalier de territoire (GHT) puisse disposer d’un « vivier de référents » pour soutenir les enquêtes internes, voire les conduire directement. Ces référents bénéficieront de formations spécifiques pour les préparer au mieux à leurs missions.
De surcroît, un partenariat inter-ministériel entre la santé, la justice, l’enseignement supérieur et la fonction publique sera instauré pour faciliter le « contrôle d’honorabilité » des professionnels de santé, via l’accès systématique au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS), une mesure réclamée par l’Ordre des médecins.
Le renforcement de la légitimité des conseils de discipline figure également au rang des priorités. Leurs membres bénéficieront d’une formation approfondie et du renfort de personnalités qualifiées extérieures, ainsi intégrées aux conseils de discipline nationaux, notamment ceux du CNG et de la juridiction disciplinaire des hospitalo-universitaires (JDHU), étrillée par la Cour des comptes pour son fonctionnement jugé opaque*.
Enfin, la sensibilisation aux enjeux des VSS sera renforcée, aussi bien auprès des étudiants en santé que des professionnels, dès leur formation initiale et tout au long de leur carrière. Accent sera mis sur les personnes en position d’autorité, telles que les encadrants médicaux, soignants et administratifs, les maîtres de stage et les tuteurs. La formation aux VSS sera intégrée dans le cadre de la certification périodique des professionnels de santé soumis à un Ordre.
En mai 2022, la Cour des comptes écrivait : « Avec 13 dossiers identifiés jusqu'en 2015 et 17 affaires traitées depuis 2016, cette JDHU s'avère peu présente dans la régulation déontologique qui lui a été assignée, en raison principalement de son éloignement des établissements d'exercice de ces personnels (universités et CHU). »
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