« Il ne s’agit pas d’une poussée ultralibérale de la Cour des comptes, au contraire, nous sommes très prudents. Mais oui, c’est une solution qui est envisageable. » Les circonvolutions de Pierre Moscovici portaient ce lundi 13 mai sur une proposition de la Cour des comptes, qu’il préside, relative à l’organisation territoriale des soins de premier recours. À savoir : recourir à « une forme de conventionnement sélectif » pour améliorer l’accès aux médecins généralistes et désengorger les urgences hospitalières.
La Cour des comptes, qui n’est jamais la dernière à s’inquiéter de la bonne organisation de la médecine de ville, a étudié dans un nouveau rapport l’intérêt pour la France de déployer un système de régulation à l’installation. Les sages de la rue Cambon savent le sujet « sensible », insiste Pierre Moscovici, mais l’évolution « décevante » de l’accès aux soins primaires ces dernières années, associée à la « trop grande dispersion » des politiques de santé engagées réclament une action plus directe. « C’est un point décisif : il convient d’ériger l’organisation des soins de premier recours en véritable politique publique, placée sous tension de résultats », insiste le premier président.
Il convient d’ériger l’organisation des soins de premier recours en véritable politique publique, placée sous tension de résultats
Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes
Les étudiants à la rescousse
Concrètement, la Cour veut « encourager, par une régulation des installations, la pratique avancée et les activités secondaires ». L’objectif ici visé n’est pas, comme en Allemagne, « de limiter les installations en zones bien dotées mais d’obtenir […] qu’une part accrue de professionnels s’installe dans les zones sous-denses ou, au moins, y exerce une part de leur activité », précisent les sages. Qui, au diapason des pouvoirs publics – mais un peu moins du Parlement – ont tout de même conscience des limites du conventionnement sélectif. « Si les déséquilibres entre zones sur-denses et zones sous-denses peuvent s’atténuer, les progrès en zones sous-denses sont souvent limités, les installations se reportant en limite de zones sur-denses », lit-on dans le rapport.
Parce qu’il est aussi « difficile d’obtenir une installation durable de médecins dans des zones peu attractives », la Cour propose une troisième voie. « Avec l’objectif de réduire les écarts de potentiel médical entre les territoires, nous préconisons une forme particulière de conventionnement, fondée sur le déploiement de cabinets secondaires, soutenus par les collectivités territoriales, explicite Pierre Moscovici. L’installation en zones sur-denses, pour les professionnels libéraux généralistes et des autres spécialités, serait conditionnée, pour les nouveaux entrants en troisième cycle, par un engagement d’exercice partiel en zone sous-dense. La proximité géographique très générale entre zones sur-denses et zones sous-denses rend cette voie praticable, même si ses modalités devraient encore être détaillées de manière plus fine. » Plus précisément, cette contrainte s’appliquerait aux étudiants qui arrivent aujourd’hui en troisième cycle et seront en mesure de s’installer d’ici cinq ans, période qui correspondra à une reprise progressive de la démographie médicale.
Sélectif mais réaliste
Pour être « acceptable » par les professionnels, cette mesure semi-restrictive serait accompagnée de dispositions incitatives, notamment financières. La Cour suggère de soutenir la présence des médecins dans les déserts par un plan d’équipement public pour la constitution de ces cabinets secondaires et le développement de consultations avancées.
Les magistrats ne s’avancent pas sur la nature des paramètres – définition des zones sous- et sur-denses, durée minimale et modalités de présence dans les déserts. Mais elle préconise « un cadrage national » et une mise en application régionale ou départementale. « En tout état de cause, la détermination des zones sous-denses devrait être suffisamment sélective tout en étant réaliste », insistent-ils.
En 2017, la Cour avait préconisé un dispositif de conventionnement sélectif sensiblement différent, fondé sur les besoins des territoires et subordonné à un respect des règles des dépassements d’honoraires et à une recertification périodique. La bronca n’avait pas tardé.
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