C’est le dernier PLFSS de la législature, qualifié par le ministre de la Santé Olivier Véran de projet de « sortie de crise ». Sa discussion hier en commission des Affaires sociales s'est concentrée sur les 1 060 amendements proposés par les députés – 600 d'entre eux ont été déclarés irrecevables, soit 55 % – avant son adoption aux alentours d’une heure du matin.
Mais au-delà de l'intégration des mesures de l'avenant 9, « rien a priori pour les médecins généralistes », de l’aveu de collaborateurs parlementaires. S’il a été question de la gestion de la crise Covid-19, des hôpitaux, etc., les grands absents des débats sont les omnipraticiens, lesquels n’ont eu qu’un seul et unique amendement adressé directement à leur égard ; celui de Stéphanie Riest, médecin rhumatologue et députée LREM du Loiret.
Une énième expérimentation
Il s’agit d’une expérimentation qui leur permettra « d’accéder à titre gratuit au "guide du bon usage des examens d’imagerie médicale" au sein de leur espace numérique, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas, après une campagne d’information adéquate financée par la Sécurité sociale. Cette meilleure information permettrait aux médecins généralistes de prescrire des examens pertinents et à terme de réduire le nombre d’examens réalisés par les radiologues, et donc de susciter plus de sécurité et d’efficience pour les patients comme des économies d’actes et les dépenses correspondantes. »
D’autres articles les concernent indirectement, comme la généralisation de la télésurveillance pour permettre le suivi des patients chroniques, ou celui consacré à l'accès gratuit à la contraception jusqu'à 25 ans. Ce dernier a d’ailleurs été enrichi d'un amendement de la République en marche visant à « promouvoir le partage de la charge contraceptive, qui pèse à l’heure actuelle exclusivement sur les femmes, entre les femmes et les hommes, sans distinction. Il peut, en effet, y avoir une alternance entre contraception masculine et féminine au sein du couple permettant de répartir les responsabilités, ainsi que les risques. »
« Des mesurettes mineures »
Présent hier lors des débats, le cardiologue et député (LR) du Loiret Dr Jean-Pierre Door parle d’un « projet de loi tout à fait pré-électoral, où l’on ne veut fâcher personne avec des mesurettes mineures et des Ondam à 2,8 milliards en dehors du Ségur pour la ville ». Au sujet des discussions, ce dernier est excédé : « la majorité nous dit que c’est un projet de loi historique. Pour moi, ce qui l’est, c’est la dette, plus qu’abyssale ! C’est le sujet de bataille, car le projet manque de modestie, on frôle la catastrophe : on soigne à crédit ! »
Pour expliquer ses propos, le cardiologue en revient à la définition du PLFSS : « c’est un projet financier budgétaire, le reste ce sont diverses mesures d’organisations sociales. L’origine, ce sont des recettes et des dépenses avec un équilibrage des comptes. Depuis des années, il n’y a aucune réforme structurelle sur l’organisation de la santé. On crée des CPTS, un article 51, des expérimentations, mais rien en ambulatoire, sauf que c’est ce que veulent les citoyens ! » Pour le député LR, « le mépris pour les généralistes continue… »
De son côté, le député LR de Meurthe-et-Moselle, Thibault Bazin, remarque le manque de considération pour la médecine générale. « On demande aux généralistes de faire de la littérature sur des ordonnances dans le cadre de (médicaments) biosimilaires. Au lieu de faire de la coopération et d’alléger l’administratif, on fait du glissement de tâches et on rajoute de la lourdeur. Le signal n’est pas très bon. »
Un mauvais signal ?
Le signal envoyé par les députés n’est effectivement pas vu positivement dans le monde syndical non plus, où l’on regrette également le dénigrement de la médecine générale. Le Dr Jacques Battistoni, président de MG France, est remonté. « J’hésite entre l’étonnement et l’indignation : nous mettre à disposition un guide pour prescrire l’imagerie médicale, est-ce comme ça que l’on traite les médecins généralistes ? Je suis en colère ! C’est un signal négatif fort. Nous déplorons l’attitude du gouvernement et de la Commission. »
Le généraliste rappelle qu’il avait déposé trois amendements : l’un sur l’introduction de la permanence des soins ambulatoire (PDSA) le samedi matin, un autre sur la mise à disposition des vaccins dans le congélateur des médecins et le troisième la simplification de l’exercice grâce aux feuilles de soins dégradées. Tous rejetés.
Le Dr Battistoni souhaite attirer l’attention des parlementaires sur l’accès aux professionnels de santé sans passer par le médecin traitant, « non pas pour retarder l’accès, mais quand on connaît les délais des kinésithérapeutes ou des orthophonistes – six mois même avec ordonnance – on ne comprend pas l’accès direct… ça n’a aucun sens ! »
Une continuité dans la logique du gouvernement
S’il est irrité par l’issue de ce texte, le Dr Jérôme Marty, président de l’UMFL-S, voit une continuité dans la logique du gouvernement. « Cette proposition de loi va dans le sens du remplacement, voire de la délégation de tâches… Globalement, c’est la même chose qui se poursuit : une marche forcée vers la forfaitisation et les grandes structures comme les CPTS. » Il regrette qu’une fois encore les généralistes soient « absents » des débats, puisque les députés « ne parlent que des urgentistes, c’est une constante ! ».
Au sujet de l’amendement de Stéphanie Riest, le praticien commente sèchement : « je pense que les députés seraient plus inspirés de regarder le parc d’IRM et scanners en France plutôt que de chercher "l’efficience", car nous sommes à la traîne et cela crée des inégalités territoriales et de santé ».
Discuté dans l’Hémicycle mercredi prochain
Pour le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, « les arguments des députés ne sont pas bons et ne vont pas dans le sens d’une meilleure coordination entre professionnels de santé ». Il ajoute : « Je ne peux pas être déçu car je n’attendais rien du PLFSS. C’est la confirmation que le Ségur n’est qu’hospitalier. J’attends la fin des débats mais ce n’est pas à la hauteur des enjeux. Je continue à contester ce que font les députés à l’Assemblée. »
Le néphrologue est toutefois surpris, comme ses confrères, par l'amendement sur l'imagerie. « Il m’a fait tomber de ma chaise : le guide est déjà accessible, je ne vois pas ce que vient faire cet amendement. En gros c’est : "les généralistes vous êtes nuls et vous ne savez pas prescrire". De plus, il m’étonne, car il induit une dépense supplémentaire », précise-t-il, presque ironique.
Le texte sera discuté dans l'Hémicycle de l'Assemblée à partir du 20 octobre.
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