L’Institut Montaigne appelle à une autonomie totale de gestion des hôpitaux

Publié le 16/06/2016
Claude Le Pen, économiste de la santé et l'un des auteurs du rapport de l'Institut Montaigne.

Claude Le Pen, économiste de la santé et l'un des auteurs du rapport de l'Institut Montaigne.
Crédit photo : GARO/PHANIE

Décision-Santé. Dans ce nouveau rapport, l’hôpital à but non lucratif est de nouveau décrit comme un modèle à imiter pour l’hôpital public. Et de citer l’exemple anglais des Foundation Trusts. Pourquoi ces hôpitaux seraient-ils une source d’inspiration ?

Claude Le Pen*. C’est le modèle et non pas son incarnation française inspiré par des courants confessionnels ou mutualistes que nous reprenons ici. Mais entre l’hôpital public à la française très régulé et la clinique privée, ce modèle mixte nous apparaît attractif. Comme nous l’avions précisé dans le précédent rapport, il est très répandu dans les autres pays. L’essentiel ici n’est pas le statut juridique mais l’autonomie financière. On peut conserver la notion d’hôpital public qui disposerait en revanche d’un lien négocié avec la tutelle. L’autonomie des universités sur laquelle aucun politique ne suggère de revenir constitue un précédent. Une gestion publique est possible et ne revêt pas seulement une contrainte administrative. Je me félicite que la FHF dénonce la suradministration de l’hôpital public. Le constat est ici totalement partagé. Cette évolution ne relève pas du mirage. Elle a été réalisée en Grande-Bretagne…

D. S. À cet égard, pourquoi faudrait-il s’inspirer des Foundation Trusts ?

C. L.P. Les hôpitaux anglais avant cette réforme étaient encore plus bureaucratiques que les nôtres. Ils étaient gérés à la manière des lycées anglais avec une administration directe de l’État. Une autonomie partielle a été concédée avec la création de Trusts. Une étape supplémentaire a été ensuite franchie avec les Foundation Trusts. Les hôpitaux disposent désormais d’une autonomie totale, d’une liberté de recrutement. Ils ont aussi la capacité de lever des ressources additionnelles comme une entreprise. Et doivent rendre des comptes à leur tutelle. Ils sont dans une logique de responsabilisation. À Londres, de nombreux hôpitaux ont opté pour ce modèle qui repose sur le volontariat.

Autre idée, nous souhaitons réintégrer les grandes fédérations hospitalières au sein du dialogue conventionnel. Aujourd’hui, la médecine libérale négocie le cadre de son fonctionnement. On peut envisager également pour les établissements hospitaliers la fixation des tarifs, l’évolution des rémunérations, la fixation des indicateurs de performance dans cette logique conventionnelle. La campagne tarifaire serait par exemple issue de cette négociation. On échapperait enfin à la politique du rabot, non viable à terme et démoralisante pour les professionnels de santé qui est dénoncée dans ce rapport.

D. S. Cette section du lien ombilical entre l’hôpital et le maire a été souvent proposée et jamais appliquée quelle que soit la couleur politique du gouvernement en place…

C. L.P. On ne peut se résigner à cette situation. Nous avons essayé dans ce rapport d’échapper à la dictature de l’existant et des impossibilités politiques. Et nous ne nous sommes pas non plus réfugiés dans l’utopie. Avec un peu de dialogue, de pédagogie et de fermeté, une évolution doit être possible. Il faut en revanche faire le deuil de cet hôpital de proximité, à la fois haut lieu d’excellence et proche à 15 km de tous les Français. Il n’a pas vocation à être un centre de soins primaires.

D. S. Vous suggérez que les directeurs d’hôpitaux puissent être révoqués en cas d’absence de résultats. Est-ce bien raisonnable ?

C. L.P. La carrière des directeurs ne devra dépendre que de leur capacités à remplir les engagements qu’ils ont pris et échapper aux aléas administratifs et politiques.

D. S. Est-ce une bonne idée de créer une super-Sécurité sociale aux pouvoirs renforcés ?

C. L.P. Aujourd’hui, la Sécurité sociale est hémiplégique. L’État gère directement et surtout politiquement le secteur hospitalier. Si un directeur d’ARS manifeste des velléités restructurantes, il est rapidement recadré par la tutelle. Dans le système anglais par exemple, il n’y a pas cette barrière institutionnelle, financière, statutaire entre la ville et l’hôpital. L’absence de tutelle unique nous paraît contradictoire avec la promotion du parcours de soin. Cette nouvelle Sécurité sociale augmentée par l’apport de directions du ministère comme celle de l’offre de soins par exemple a la responsabilité de gérer le risque. Elle met en place la prévention, des mesures incitatives, gère la production de soins. Elle a la haute main sur les négociations avec les professionnels. C’est au final un gestionnaire. Son budget est voté par le Parlement. La politique de santé, le périmètre d’interventions, la gestion des crises sanitaires relèveraient toujours de l’État. Notre idée est de séparer propriété, à savoir l’État, et gestion dotée pour ce nouvel organisme de compétences larges.

D. S. Le constat est sévère, brillant sur la soutenabilité à terme du système de santé français. Les propositions sont-elles toutefois à la hauteur du défi ? Par ailleurs elles ne sont pas chiffrées…

C. L.P. Nous avons conscience des limites que vous décrivez. L’idée est plutôt d’être sur le versant structurel et de construire un cadre intellectuel différent. Notre travail ne s’arrête pas là. Nous devrons démontrer comment notre modèle promeut des gains d’efficience qui permet la survie du système. Nos suggestions s’inscrivent dans un cadre où le système de santé ne bénéficiera pas de nouvelles ressources par l’augmentation des impôts par exemple. Mais il nous faut chiffrer les gains de productivité attendus par une nouvelle gouvernance, une nouvelle organisation des soins. On va s’y atteler.

*L’un des auteurs du rapport de l’Institut Montaigne.

Consulter le rapport :

http://www.institutmontaigne.org/res/files/publications/rapport_reanime…


Source : lequotidiendumedecin.fr