Le projet de loi santé de Marisol Touraine est-il « étatiste et liberticide » comme le président de la CSMF le redoute ? Ou ses mesures sont-elles au contraire « structurantes, durables et mobilisatrices », comme les présente la ministre ? Le débat ne fait que commencer sur ce texte qui devrait bientôt passer en conseil des ministres et sera certainement l’unique réforme d’ampleur engagée par Marisol Touraine. Les généralistes sont bien entendu impactés par ce dispositif. Au moins une dizaine de dispositions les concernent directement ou indirectement. Avec deux axes principaux mis en avant : l’amélioration de l’accès aux soins et la réorganisation de l’offre de soins au niveau régional.
1/Médecin traitant pour les plus jeunes :
La réforme Touraine ne touche pas au dispositif mis en œuvre par la réforme « Douste-Bertrand » de 2004. Et comme le ministère de la Santé estime qu’il a « montré son efficacité », il va l’étendre aux moins de 16 ans. Le choix du médecin traitant (pédiatre ou généraliste) revenant aux parents. C’est une des demandes anciennes de MG France qui se trouve ainsi exaucée, même si la valorisation de cette nouvelle tâche du généraliste reste à déterminer. "Il était temps que les jeunes médecins qui sont souvent des femmes et voient énormément d’enfants voient leur travail reconnu et valorisé," commente Claude Leicher, satisfait. Au-delà du président de MG France, cette innovation fait plutôt consensus parmi les syndicats de médecins. Seuls les pédiatres ne voulaient pas en entendre parler. Et le SML leur a emboîté le pas.
2/ Tiers payant pour tout le monde :
C’est la mesure phare du projet, la seule citée par François Hollande dans son intervention du 14 juillet. La réforme prévoit la généralisation de la dispense d’avance de frais en ville en deux temps : l’an prochain pour les bénéficiaires de l’ACS et pour l’ensemble des assurés à l’horizon 2017. Marisol Touraine promet « simplicité » et « garantie de paiement sans délai », mais pour l’heure l’article 17 du projet renvoie la mise en place concrète à la négociation conventionnelle. Voilà qui promet des discussions animées : l’UNOF évaluant à 3,50 euros le coût de gestion par acte… Et même, MG France pourtant favorable à la mesure s’inquiète : « Les généralistes attendent de la ministre des garanties, notamment qu’il n’y ait pas de vérification des droits, que les paiements soient garantis et que le payeur soit unique. »
3/ Le testing légalisé :
Le projet de loi prévoit la mise en place d’un Observatoire des refus de soins auprès de chaque ordre professionnel. Dans ce cadre, les fameux « testings » pourront faire foi pour coincer tel ou tel praticien qui refuserait CMU ou AME. Les généralistes majoritairement en secteur 1 ne devraient être concernés qu’à la marge.
4/ Un numéro unique pour la PDSA :
C’est une des dispositions qui fait consensus chez les médecins : la mise en place d’un numéro spécifique et unique dans toute la France pour la PDS ambulatoire pour remplacer la multiplicité des numéros existants. Ça pourrait être le « 3333 », même si pour l’heure le projet Touraine évoque un numéro à 3 chiffres. Chez les libéraux, petit agacement tout de même : car le texte maintient quand même le 15 comme mode d’accès à la PDS de ville… « C’est illisible pour l’accès au généraliste », s’agace Luc Duquesnel de l’UNOF. Au-delà, la CSMF redoute un retour déguisé à l’obligation de PDS pour les médecins dans le cadre du « service territorial de santé ». Un dossier d’autant plus chaud que le sujet a déjà été abordé par certaines personnalités auditionnées ces derniers mois par la Commission de l’Assemblée sur la PDS…
5/La mise en place du « parcours de santé » :
Le fameux « service territorial de santé » place en effet les libéraux de santé en première ligne puisqu’il vise avant tout « la structuration territoriale des soins primaires. » Comment ? En mettant en place « un parcours de santé » pour les patients chroniques et/ou complexes. Un concept qui reste encore un peu flou. Il faudra attendre sa déclinaison sur le terrain, le projet rendant possible une contractualisation entre ARS et tel ou tel professionnel ou établissement. Dans ce cadre, l’ARS mettra en place à destination des professionnels des « plateformes polyvalentes » pour aider à la coordination des soins.
6/ Des nouvelles règles du jeu pour l’installation :
L’article 40 du projet Touraine est un de ceux qui exaspèrent le plus les syndicats de médecins libéraux. En cause, « la territorialisation de la politique conventionnelle », en d’autres termes
[[asset:image:2711 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["Phanie"],"field_asset_image_description":[]}]]la possibilité de décliner tout ou partie de la convention nationale dans les régions. Dans ce cadre, il est expressément prévu que les Agences régionales pourront intervenir, notamment pour réguler les installations, via des incitations dans certaines zones ou des coups de pouce sur la rémunération.
Sur le papier, il ne s’agit pas d’une interdiction d’exercer dans telle ou telle zone, mais il n’en faut pas davantage pour qu’à la FMF et à la CSMF, on y voit une remise en cause à peine voilée de la liberté d’installation. « Dans la loi santé, les ARS vont avoir le droit de peser sur les installations », martèle Jean-Paul Hamon, chef de file de la première. « Ce dispositif, illisible, qui constitue un bijou de technocratie, vise en réalité à supprimer la liberté d’installation des médecins libéraux, tempête Jean-Paul Ortiz, président de la seconde. Ainsi non seulement les candidats à l’installation devront visser leur plaque là où l’ARS l’aura décidé, mais surtout, les médecins installés seront ficelés et ne pourront plus déménager pour changer de quartier sans l’autorisation de l’ARS. »
7/ Des délégations de tâches supplémentaires:
La délégation de tâches est un autre casus belli pour les syndicats de médecins, qui voient sans aucun enthousiasme certaines professions de santé hériter de gestes habituellement pratiqués par les généralistes : vaccination possible par les pharmaciens ou les sages-femmes, prescriptions de patchs nicotiniques par les infirmiers… Le président de la FMF dénonce un double langage : « Le texte évoque un généraliste pivot, mais on se rend compte qu’en réalité le gouvernement et les ARS font tout pour court-circuiter les médecins ! » Même opposition à l’UNOF ou à MG France, deux syndicats l’on critique aussi la mise en place des infirmières cliniciennes : « Ce modèle pose problème aux médecins généralistes qui se voient peu à peu dépossédés de leurs compétences médicales, dont le diagnostic, au moment où le nombre d’actes diminue », déplore Luc Duquesnel. "Nous disons non à l’infirmière clinicienne qui, telle que définie par la loi de santé qui deviendrait un véritable concurrent du médecin traitant", proteste Claude Leicher.
8/ Ville-hôpital : objectif com’
Le projet de loi créé un nouvel outil pour renforcer la coordination ville-hôpital et prévoit que le patient dispose d’une information dès le jour de sa sortie d’hôpital. Cette lettre de liaison sera complémentaire du compte rendu d’hospitalisation.
9/ Le DPC retouché
Le projet Touraine propose une nouvelle définition du DPC, mais pour l’heure ne revoit qu’à la marge le dispositif actuel. La refonte du dispositif se fera sans doute par décret. Pour l’heure, le Collège de la médecine générale se voit reconnaître une vraie place dans le dispositif, mais s’inquiète du lien trop étroit posé entre DPC et Stratégie nationale de santé : "les besoins des médecins généralistes sont plus larges," insiste t-on au Collège. Quant aux syndicats ils reprochent au texte de ne pas remédier à l’insuffisance des ressources budgétaires et pour certains s’inquiètent du renforcement de la place de l’université dans le dispositif.
10/ Coup de pouce sur les centres de santé
Le projet vise à conforter la place des centres de santé. Il le fait de deux façons : en les faisant bénéficier des avancées de rémunération prévues pour les libéraux et en facilitant la création de structures de ce type au plan intercommunal.
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