Le Québec au régime

Publié le 14/04/2016
Gaétan Barrette, ministre de la Santé du Québec.

Gaétan Barrette, ministre de la Santé du Québec.
Crédit photo : Paul Chiasson

Depuis 2015 et sa fameuse « loi 10 », le système de santé québécois est en grande restructuration. Sous la houlette du ministre de la Santé, une cure d’amaigrissement jamais égalée est en marche. Le docteur Gaétan Barrette qui était médecin radiologiste libéral s’applique à couper, avec détermination, dans tous les budgets sanitaires et sociaux de la province. Il s’agit d’économiser 225 millions de dollars canadiens. Pour ce libéral assumé, il y aurait trop de structures administratives et de soins. Le système de santé était paralysé, selon lui, par une technocratie paralysante. De 185 structures, le ministre, en poste depuis avril 2014, entend les réduire à 35. Du jamais vu, même si les Canadiens sont capables en pratique de changer brutalement de politiques. Tous les établissements communautaires sont ainsi regroupés en un établissement par région.

Recentralisation

Le ministre prend les affaires directement en main. Il désigne les responsables en qui il a confiance. Et exclut les rétifs. Une campagne de presse virulente dénonce cette politique que nous qualifierions ici, en France, d’étatique. Le peuple québécois regarde, pour l’instant, sans hostilité se dérouler cette révolution, comme le souligne Robert Desmarteau, professeur de stratégie à l’université de Montréal. « Le ministre est particulièrement actif », reconnait l’universitaire. Et ce serait plutôt bien vu par la population. Moins, bien sûr, par les professionnels qui s’alarment de l’éradication de la politique sanitaire et sociale de la « Belle Province ».

Conservatisme

Les médecins, pour leur part, sont choyés. Ils viennent de recevoir des augmentations de tarifs conséquentes : + 12 % pour les spécialistes et +7 % pour les omnipraticiens. Ses adversaires reprochent à Gaétan Barrette de « soigner » ses confrères. Le ministre avant de prendre son poste ministériel était le président du syndicat des médecins spécialistes. « Il n’a pas dérogé à ses principes », précise Robert Desmarteau. Quelques médecins s’alarment cependant d’abus. Cinq cents d’entre eux ont même manifesté en estimant… qu’ils étaient trop payés. Le ministre répond en général qu’il voulait assurer un rattrapage d’honoraires médicaux. En réalité, selon l’universitaire « le système tourne le dos à ce qu’était la tradition du système québécois hérité d’Alexis de Tocqueville, qui metait en avant le développement du capital social ». Le ministre serait revenu à une vision prônée par les conservateurs d’outre Atlantique : « Les ressorts du privé sont mis en application. »

Fascinant

Selon l’observateur qu’est Robert Desmarteau, cette évolution est dans une certaine mesure fascinante. « Dans la mesure où la culture est en général plus forte que la structure », l’expérience Barette pourrait échouer. La culture de la multidisciplinarité est ancrée chez les Québécois. Même si le ministre est puissant, la réforme conservatrice du ministre de la Santé pourrait ne pas parvenir à ses fins. D’autant que les économies attendues ne seraient pas au rendez-vous, malgré les assurances données par le gouvernement de la province. Le ministre médecin, qui était obèse et qui s’est appliqué un régime amaigrissant stupéfiant, parviendra-t-il à faire maigrir le système de santé ? La volonté ne suffit pas en politique pour arriver à ses fins.


Source : lequotidiendumedecin.fr