S’il n’a pas été entériné par la loi, le « modèle français » de l’aide à mourir a bien vu le jour en 2024. Le projet de loi « relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie » a été officiellement présenté en Conseil des ministres le 10 avril.
Fruit de longs mois de réflexion, ponctués par l’avis 139 du Comité consultatif national d’éthique en septembre 2022 puis par la Convention citoyenne en 2023, et éclairés par les analyses des Académies nationales de médecine et de chirurgie, le projet de loi ouvre la possibilité d’une aide à mourir en même temps qu’il renforce les soins d’accompagnement et le droit des patients et des aidants. Comme voulu par le président de la République, le projet de loi n’emploie pas les termes d’assistance au suicide ou d’exception d’euthanasie. « L’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, dans des conditions strictes, afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin ou par un infirmier », lit-on dans la dernière version du texte.
Car le projet a en effet été amendé au printemps au gré des discussions à l’Assemblée nationale – en commission spéciale puis dans l’hémicycle. Les critères pour accéder à l’aide à mourir ont été l’objet d’un compromis : être majeur, atteint d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale (la notion de court ou moyen terme a été supprimée) ; présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection, soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne ; et être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. Il a été exclu qu’un proche puisse administrer le produit létal.
Une reprise des débats en 2025 ?
Le texte décrit aussi le rôle du médecin, garantit une clause de conscience spécifique et met en place une commission de contrôle et d’évaluation chargée de vérifier la légalité de chaque acte. Alors qu’il devait faire l’objet d’un vote solennel le 18 juin, actant la fin d’une première lecture par les députés, la dissolution de l’Assemblée nationale une semaine avant a rebattu les cartes.
Les débats devraient reprendre dans l’hémicycle le 3 février, pendant deux semaines, mais à partir de quel texte ? Le gouvernement aura deux options : déposer un nouveau projet de loi ou repartir du texte déjà travaillé, repris dans une proposition de loi déposée cet été par le député MoDem Olivier Falorni et soutenue par plus de 200 députés. Cette dernière option était celle de la ministre de la Santé démissionnaire Geneviève Darrieussecq, tandis que Michel Barnier avait gardé le silence.
En attendant, malgré le lancement d’une stratégie décennale des soins d’accompagnement, une partie des soignants, dont la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) se fait le porte-parole, reste hostile au projet de loi en répétant que donner la mort n’est pas un soin. À front renversé, France Assos Santé plaide pour un élargissement des critères et un vrai choix entre suicide assisté et euthanasie.
Vers des soins palliatifs plus précoces et globaux
Améliorer la qualité et l’accessibilité des soins palliatifs en France en leur substituant le concept de soins d’accompagnement : tel est l’enjeu de la stratégie décennale 2024-2034 dévoilée au printemps et préparée à partir du rapport du Pr Franck Chauvin. Faute de stabilité gouvernementale, aucune mesure n’a été réellement mise en place, sauf une permettant de lancer un programme de recherche interdisciplinaire.
Alors que, chaque année, 1,6 milliard d’euros est dépensé pour les soins palliatifs, le gouvernement avait promis de débloquer 100 millions par an pour des mesures nouvelles, soit 1,1 milliard supplémentaire sur dix ans. En 2034, le montant annuel des dépenses publiques pour ces soins s’élèvera à 2,7 milliards d’euros.
L’une des priorités est de renforcer l’accès aux prises en charge spécialisées sur le territoire. Une vingtaine de départements sont dépourvus d’unité de soins palliatifs (USP), une situation qui devrait ne plus exister en 2025. Le nombre de lits dans les USP devrait passer de 1 540 aujourd’hui à 1 760 (+ 220). Une centaine d’équipes mobiles devrait être créées d’ici à 2034. Les structures de prise en charge de la douleur chronique et d’hospitalisation à domicile devraient être renforcées. Et 6 000 équivalents temps plein (notamment de psychologues) devraient consolider sur dix ans l’accueil dans les Ehpad.
Pour les enfants, la stratégie doit permettre la mise en place de 28 équipes régionales pédiatriques (contre 23 aujourd’hui) et de 17 USP pédiatriques d’ici à 2030.
La stratégie doit aussi donner naissance à des maisons d’accompagnement, structures hybrides entre le sanitaire et le médico-social pour héberger des patients stables mais nécessitant des soins trop lourds pour le domicile. Si leur création reste suspendue au vote du projet de loi sur la fin de vie, une dizaine devrait être expérimentées d’ici à la fin 2025. Enfin, les jalons d’une filière de médecine palliative et des soins d’accompagnement sont posés, avec l’ouverture en dix ans de 300 postes de chefs de clinique, de professeurs d’université et d’assistants spécialistes et le lancement d’une réflexion en vue de la création d’un diplôme d’études spécialisées (DES).
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