Faut-il craindre demain le rationnement dans la prise en charge du cancer en France? Les associations de patients et les laboratoires concernés ont récemment tiré la sonnette d’alarme. « Chacun pense que nous allons entrer dans une période de rationnement des soins », écrit dans un communique de presse, le Collectif interassociatif sur la santé (Ciss).
Impératifs budgétaires
Un projet de décret fragilise en effet le dispositif unique de la liste en sus made in France, qui permet l’accès à l’innovation thérapeutique. Il a été examiné en février dernier par le Conseil d’État. Mais les industriels et les associations de patients n’ont pas été consultés avant sa rédaction. Au départ, la promulgation de ce décret relevait du seul principe de sécurité juridique. L’inscription ou la radiation de produits de la liste n’était pas strictement encadrée. Et avait d’ailleurs été contestée dans les tribunaux. À l’arrivée les impératifs budgétaires ont largement influencé les juristes.
Nouveaux critères retenus
Quels sont les nouveaux critères retenus ? Les médicaments dont l’amélioration du service rendu (ASMR) est égale ou inférieur à 4 seraient exclus de la liste. Sont visés des médicaments majeurs comme l’Avastin® (laboratoire Roche) ou l’Alimta® (laboratoire Lilly) par exemple. Sans attendre, une trentaine d’oncologues ont pris la plume pour avertir Marisol Touraine des menaces qui pèsent pour les malades si cette mesure est actée. C’est tout simplement l’égalité d’accès aux soins qui serait en péril. Le directeur de l’Institut Curie, le professeur Thierry Philip, a annoncé que son hôpital ne prendrait plus en charge les traitements retirés de la liste. Dans le premier groupe français de cliniques privées Ramsay-Générale de Santé, aucune consigne n’aurait été donnée aux oncologues. Mais jusqu’à quand ?
La recherche clinique en oncologie menacée
Les groupes coopérateurs en oncologie ont pointé un autre risque, celui sur la recherche clinique en oncologie. « Une éventuelle radiation [ ] pourrait remettre profondément en question le recrutement des centres qui mènent avec nous les études de recherche clinique dont nous assurons la promotion », assurent les auteurs d’une lettre à la ministre de la Santé. Comment en est-on arrivé à ce point de rupture ? Avant la rédaction de ce décret, la radiation de spécialités avait pourtant fait l’objet de recommandations rédigées par le Conseil de l’hospitalisation en février 2015. L’exclusion devait reposer sur l’évolution de la fréquence de prescription, la baisse du coût moyen de traitement ou une nouvelle évaluation conduite par la Commission de transparence qui aurait émis un nouvel avis minorant l’ASMR et/ou le SMR. Ces mêmes recommandations mentionnent le risque de report de la prescription vers d’autres spécialités plus onéreuses. Pour le moins, ces avis n’ont pas été pris en compte.
Innovations à venir coûteuses
Le dispositif de la liste en sus, s’il a permis de belles avancées, aurait-il donc vécu ? L’accès aux molécules innovantes est l’un des piliers d’excellence du système sanitaire français. Il présente désormais des fissures. Peut-on encore les colmater ? La gestion « dynamique » de la liste en sus exige peut-être d’autres solutions. Lors de la présentation de l’Ondam 2016, les ministres escomptaient il est vrai 205 millions d’économies grâce à la révision de la liste en sus. Dans le même temps, des innovations majeures et donc coûteuses sont annoncées comme les immunomodulateurs dans le cancer du poumon. L’immobilisme n’est plus de mise. « Le modèle actuel ne pourra accueillir les salves d’innovation thérapeutique sans modifier les règles financières », a reconnu Éric Baseilhac (Leem) lors de la dernière édition des Rencontres de la cancérologie française (RCFr15; décembre 2015, Paris). Faudra-t-il lancer demain un pacte de confiance sur le médicament ?
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