LE QUOTIDIEN : Un an après le rejet de votre proposition de loi visant à lutter contre la désertification médicale, vous repartez à l’offensive, le 23 janvier avec un nouveau texte réclamant des mesures d’urgence. Qu’est ce qui a changé depuis un an ?
GUILLAUME GAROT : Le nombre de praticiens n’a jamais été aussi élevé en France mais leur répartition sur le territoire n’a jamais été aussi inégale ! Notre première proposition de loi visant à lutter contre la désertification médicale a été jetée aux oubliettes en janvier 2018.
Nous sommes en janvier 2019 et le pays est secoué par de vives tensions provoquées par le sentiment d’abandon de nombreux territoires. Année après année, les services publics ont fermé : écoles, postes, gares… Et on peut aussi y ajouter les cabinets médicaux, malgré les efforts faits depuis des années pour favoriser l’exercice groupé.
La question de la répartition des médecins mérite donc d’être de nouveau posée et traitée, surtout après les annonces du plan Ma santé 2 022. Certaines mesures vont dans le bon sens, avec la fin du numerus clausus. Mais elles restent insuffisantes pour faire face à l'urgence de la désertification médicale. Par rapport au texte de janvier 2018, cette proposition de loi couvre un champ plus large. Nous porterions une lourde responsabilité si nous ne mettions pas toutes les solutions sur la table.
Vous misez sur le conventionnement territorial pour mieux répartir les médecins libéraux. De quoi s’agit-il ?
Dans les zones où l'offre médicale est déjà correctement pourvue, nous demandons aux médecins de ne pas s'installer, tant qu’un médecin ne cesse pas son activité. En revanche, ils peuvent exercer partout ailleurs, là où la population a besoin d'eux.
Je précise que cette mesure de régulation ne concernerait pas les médecins qui s’installeraient en secteur I dans les zones où l’offre en secteur II est particulièrement élevée. Car dans les territoires surdotés, il existe aussi des problèmes d'accès aux soins pour des patients aux revenus modestes. Cette régulation se ferait dans le cadre d’une concertation régionale avec les représentants des médecins.
Cette mesure restreint la liberté d’installation, pilier de la médecine libérale. Ne craignez-vous pas de décourager les jeunes médecins à s'installer ?
C'est un aménagement de la liberté d'installation et nous l’assumons ! Il faut refonder le contrat entre la nation et les médecins. La situation l'impose. Face à l’urgence, qu'y a-t-il de choquant à dire aux médecins formés par la nation, dont les revenus sont assurés par les cotisations sociales, de s'installer là où la population a besoin d'eux, là où les territoires sont en souffrance ? Pourquoi ne peuvent-ils pas être soumis à des règles d'installation comparables à celles des autres professions de santé comme les pharmaciens, les kinésithérapeutes ou les infirmières ?
Je connais bien les réticences des médecins. C’est pourquoi, en parallèle à cette régulation, notre texte propose de soutenir financièrement les territoires en souffrance pour leur permettre de créer des conditions d'exercice attractives. Cela passe par le lien avec les plateaux techniques de l'hôpital, la télé-expertise, la télémédecine ou encore une permanence des soins bien organisée.
Vous proposez d'autoriser les pharmaciens à dispenser certains médicaments (à prescription médicale obligatoire) sans passer par le praticien. Vous êtes donc favorable à la prescription pharmaceutique…
Les médecins prescrivent et les pharmaciens dispensent. C’est la règle. Mais notre proposition est une mesure d'aménagement afin de soulager les praticiens dans les zones sous-dotées pour certaines pathologies bénignes comme la cystite ou la rhinite. Cette délivrance devrait se faire dans un cadre précis – avec une liste de pathologies bénignes établie, en accord avec le ministère, l’Ordre des médecins et celui des pharmaciens. En cas de doute, les pharmaciens devraient immédiatement renvoyer les patients vers les médecins.
Cette fois, votre texte a-t-il des chances d’être soutenu par les députés de la majorité ?
Je l’espère ! Le contexte politique et social commande des réponses fortes. Il y a un an, ma proposition était soutenue par des députés de toutes tendances, de la gauche jusqu’à l’UDI. Je souhaite que la majorité prenne conscience de l’urgence. J’espère aussi que cette proposition de loi nourrira le grand débat qui s’ouvre dans les territoires.
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