« L’avenir de la Sécurité sociale est clairement en danger ». Avec cette petite phrase, tirée de son audition ce jeudi 5 juin par la commission d’enquête sur le système de santé et l’accès aux soins, Yannick Neuder s’est employé à tenir un « discours de vérité » devant les députés, quelques jours après la commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS).
Car si le gouvernement affiche désormais sa volonté de rétablir l’équilibre financier de la Sécurité sociale d’ici à 2029, il doit déjà affronter les affres du déficit attendu pour 2025, à hauteur de 21,9 milliards, dont 16 milliards pour la seule branche maladie, « mais aussi la branche retraite », a pointé Yannick Neuder devant les députés ce jour.
Les difficultés financières de la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et de l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss, devenue Urssaf Caisse nationale), toutes deux en capacités quasi-maximales, pourraient entraîner un défaut de trésorerie d’ici à 2027, comme avait alerté la Cour des comptes.
Serpent de mer
Dans ce contexte alarmant, le député Christophe Naegelen (Liot, Vosges), rapporteur général de la commission, a interrogé le ministre de la Santé sur l’opportunité d’instaurer une « grande Sécu » élargie remboursant à 100 % les soins essentiels, réforme plébiscitée par la gauche, laquelle prendrait la forme d’une mutualisation des couvertures obligatoire et complémentaire, pour des économies espérées pouvant aller de 3 à 6 milliards d’euros (notamment de frais de gestion). « Qu’en pensez-vous ? », a-t-il demandé à Yannick Neuder. Dans sa réponse, le cardiologue isérois a souligné qu’il s’agissait d’une vieille idée, d’un serpent de mer « déjà évoqué il y a une dizaine d’années », lui préférant d’« autres sources d’économies ».
Dans la deuxième partie de sa réponse, Yannick Neuder a abordé la prévention, argumentant qu’elle représente environ huit milliards de dépenses dans les comptes de la Sécurité sociale. Autrement dit, plutôt que d’avancer vers une « grande Sécu », ne faudrait-il pas « avoir une discussion avec les mutuelles et leur confier le champ de la prévention ? C’est un sujet que je trouve intéressant », a-t-il avancé. De quoi nourrir les débats lors du prochain congrès de la Mutualité Française, à Agen du 18 au 20 juin.
Plaidoyer pour la stabilité
Ce programme, a-t-il ajouté, nécessitera « une acceptabilité de la population et de la stabilité », ironisant encore sur le fait qu’il fut le quatrième ministre de la Santé nommé en 2024. « Comment envisager de mener des réformes si structurelles avec une telle instabilité ? », a-t-il interrogé. En tout cas, le ministre réaffirme sa volonté, en matière de prévention, d’une « meilleure différenciation entre assurance-maladie obligatoire et complémentaire ».
D’autres chantiers vont s’accélérer : la lutte contre la fraude à l’Assurance-maladie reste érigée en priorité par le ministre de la Santé, qui rappelle l’objectif de 1,5 milliard d’euros d’économies pour 2026. Le croisement de données avec les organismes complémentaires en s’appuyant sur l’intelligence artificielle, la carte Vitale digitalisée, mais également les arrêts de travail infalsifiables, les ordonnances numériques, constituent des pistes de travail en ce sens, a-t-il déclaré, regrettant que la France n’ait « pas poussé au même niveau que d’autres pays européens la digitalisation ». Selon lui, le fait que seuls 18 millions de Français ont téléchargé « Mon Espace santé » reste la preuve du retard tricolore.
Un plan pour la mi-juillet
En attendant les discussions budgétaires de l’automne, chaque ministre pousse ses pions, au risque d’une dispersion des messages. Invitée sur TF1, la ministre chargée du Travail et de l'Emploi Astrid Panosyan-Bouvet a pointé « une anomalie française » en relevant que, contrairement à d’autres pays européens, « 65 % de la protection sociale est financée chez nous par le travail », appelant à « regarder ce sujet ». Interrogée aussi sur la proposition du député Mathieu Lefèvre (EPR) d'instaurer une « année blanche », soit un gel en 2026 des prestations sociales à leur niveau actuel, la ministre a cette fois botté en touche. « Plein de pistes sont sur la table », renvoyant à « une annonce globale à partir de mi-juillet ». Celle-ci se traduirait par un « plan d'ensemble pour montrer que l'effort est absolument partagé partout et par tous dans notre pays », a-t-elle avancé.
Il y a quelques semaines, Emmanuel Macron, puis François Bayrou, avaient ouvert la porte à une réflexion sur la « TVA sociale » (compenser des baisses de cotisations par une augmentation de la TVA) pour financer la protection sociale, une proposition plutôt défendue par le Medef.
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