Un Grenelle de la Santé avant l’examen de la loi de santé. C’est ce pour quoi l’Ordre des médecins a longtemps plaidé, voyant dans un tel événement l’occasion d’amender le texte de Marisol Touraine afin de tenir compte des remarques des médecins. À défaut d’avoir été entendu par le gouvernement, qui a préféré le principe d’une Grande conférence de santé à l’issue de la procédure parlementaire, l’Ordre a donc pris les choses en main. Et organisé lui-même une « Grande Consultation sur l’avenir du système de santé ».
Lancée en septembre auprès de tous les médecins inscrits à l’Ordre, cette enquête vient de livrer ses premiers résultats. Au siège parisien du Conseil, Patrick Bouet, président du CNOM, a exprimé, jeudi, sa « très grande satisfaction de voir 35 000 médecins » avoir participé à ce sondage. Cela en fait d’emblée la plus importante consultation jamais réalisée ! Sur les quelque 30 000 questionnaires dûment complétés et enregistrés, plus de la moitié l’a été par des généralistes. Au total, les médecins ayant répondu à l'appel de l'Ordre sont, pour moitié, libéraux, pour un tiers salariés, les 20% restant ayant un exercice mixte. « Les médecins veulent dire des choses », croit ainsi savoir Patrick Bouet.
La première chose que les médecins ont exprimée ? Leur fierté d’appartenir à la profession. Alors que la période reste marquée par un sentiment de lassitude des médecins, très remontés contre la loi de santé mais faiblement mobilisés lors des élections professionnelles, près de 9 praticiens sur 10 se disent « fiers d’appartenir à la profession de médecins ». Ils sont aussi nombreux à être heureux de leur profession et d'ailleurs près des trois quarts « choisiraient à nouveau de devenir médecin ‘si c’était à refaire’ ».
Fiers d'être médecins, mais…
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Une réponse surprenante quand on connaît les réticences des médecins à recommander leur propre profession aux jeunes générations. À peine plus de la moitié « des médecins encourageraient une jeune personne de leur entourage à devenir médecin », souligne ainsi l’étude de l’Ordre. Et a fortiori concernant leurs proches, « 16 % n’encourageraient pas du tout à suivre leur voie ». Un paradoxe n’est toutefois pas aussi étonnant que ça, selon le président de l'Ordre. Grâce à cette enquête, « on voit se confirmer le fait que les médecins sont fiers d’être médecins mais ils mettent un certain nombre de correctifs à cette satisfaction », insiste Patrick Bouet. Pour lui, généraliste encore en exercice en Seine-Saint Denis, la fierté des médecins tient au côté humain de la profession, « c’est le moteur de leur motivation. Il faut arrêter de dire que les médecins font leur métier pour d’autres raisons que celles d’être au contact de la population, sur le territoire. »
L’engouement et l’attachement des médecins à leur profession ne les empêchent pas d'ailleurs de pointer des sources de contrariétés. Ne serait-ce qu’à l’égard de leur niveau de rémunération, source d’insatisfaction pour 58 % d’entre eux. Une proportion qui s’élève même à 64 % chez les généralistes. De la même façon, la charge de travail est un élément de frustration pour près de six médecins sur 10. Et on retrouve une part équivalente de généralistes qui se montre mécontente de son équilibre entre vie professionnelle et vie privée… Quant aux contraintes, qu’elles soient administratives, réglementaires ou économiques, elles font l’unanimité contre elles : 97 % des médecins trouvent qu’ils en subissent trop.
C'est peut-être pour cela que le rapport aux pouvoirs publics laisse à désirer. La vive contestation qui a récemment opposé les praticiens à la Ministre de la Santé, et plus encore au gouvernement, le laissait présager : les trois quarts des médecins ne sont pas satisfaits de leurs relations avec les pouvoirs publics. Et plus de la moitié d’entre eux ne sont pas contents de celles qu’ils entretiennent avec l’Assurance maladie ou encore les Agences régionales de santé (ARS).
La gestion des pouvoirs publics discréditée
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Plus encore que d’insatisfaction, c’est d'inquiétude dont il est carrément question sur certains sujets. Les trois quarts des médecins ayant répondu à la sollicitation de l’Ordre sont pessimistes quant à l’avenir de la profession de médecin. « Je ne sais pas ce que mon métier va devenir demain », confie ainsi un médecin de Marseille. Et ce n’est pas du côté de ceux qui nous gouvernent qu’il faut rechercher des solutions pour piloter le système de soins. C'est sans doute un des enseignements majeurs de cette consultation : plus de neuf médecins sur dix « estiment insatisfaisant le pilotage de la santé par les pouvoirs publics ». D’ailleurs, 82 % des répondants jugent que le système de santé s’est détérioré depuis une décennie. Et ils sont tout aussi nombreux à être pessimiste quant à l’avenir… Pourtant, contrairement à la réputation de conservateur parfois accolée à la profession, plus de neuf médecins sur dix sont favorables au changement: une réforme en profondeur pour les 39 % les plus radicaux quand 56 % se contenteraient d’une adaptation du système moyennant certains aménagements.
Critiques et sévères à l’égard des pouvoirs publics, les médecins restent toutefois attachés aux fondamentaux. À commencer par un pilotage du système de santé qui, pour 61 % des médecins et plus encore les deux tiers des généralistes, doit relever de l’État. « Quand les mutuelles arriveront au pouvoir, on n’aura plus aucun droit », redoute un médecin de Dole. Ce qui n’empêche pas un cinquième des professionnels de santé de se dire prêt à « un système de santé ouvert aux acteurs privés ».
Quoi qu’il en soit, la priorité, pour six médecins sur dix – et même sept sur dix si on considère exclusivement les généralistes - réside dans la proximité, aspect qui doit être privilégié dans l’organisation des soins. Aux yeux de Patrick Bouet, « les médecins ont conscience des enjeux de l’organisation des soins » et, plus encore, « s’intéressent à leur environnement (ndlr : professionnel) ». S’agissant de la profession en tant que telle, la création de passerelles entre les spécialités, l’instauration de coopérations entre la ville et l’hôpital et l’exercice en structures regroupées apparaissent comme trois éléments d’avenir pour plus de 70 % des médecins.
Être force de proposition. Telle est désormais l’ambition de l’Ordre des médecins qui, à partir de ces éléments de réponses, des réflexions faites lors des réunions organisées sur le terrain et des entretiens menés avec les syndicats et divers acteurs institutionnels, entend insuffler des pistes de réforme. Rendez-vous donc le 26 janvier pour le deuxième temps de la contre-offensive ordinale. Avec, probablement comme priorité celle de redonner du temps médical aux médecins, comme le souhaitent 98 % d’entre eux. Face à une Grande conférence de santé qu’il juge « très limitée dans ses objectifs », Patrick Bouet espère que les propositions de l’Ordre nourriront les débats des deux prochaines années. Et, qui sait, inspireront une prochaine réforme de système de santé, en 2018.
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