Entretien avec René-Paul Savary, sénateur

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Publié le 15/10/2018

Pourquoi militez-vous pour que les Français aient accès aux médicaments non encore homologués ?

Cet intérêt pour le droit d’essayer est né de discussions avec le Pr Besançon, ancien professeur de pharmacologie, investi dans plusieurs biotechs. Les dispositifs actuels les plus performants comme les ATU par exemple ne sont pas adaptés aux patients porteurs de troubles neurodégénératifs. Les recherches menées sur ces pathologies exigent un temps long. Ce temps long doit être raccourci. Le principe d’une utilisation testimoniale éclairée permettrait pour les patients demandeurs une utilisation de nouvelles molécules à un stade très précoce même si elles n’ont pas fait la preuve de leur efficacité ou de leur innocuité.

Cette loi existe aux États-Unis. Elle peut se traduire par le droit à la recherche de la survie, le droit à essayer.

Aux États-Unis, ce mouvement a été porté par un mouvement libertarien, conservateur. Cette origine freine-t-elle le développement de ce mouvement en France ?

De l’autre côté de l’Atlantique, c’est une autorisation délivrée à titre personnel, non un droit collectif adopté à une large majorité par le congrès américain. En France, le débat commence à s’installer. Je suis en contact avec le cabinet d’Agnès Buzyn. Nous prenons sur cette question un retard très significatif. Il faut impérativement avancer alors que sur la maladie d’Alzheimer par exemple, on ne dispose plus de médicaments remboursés. Or de nouvelles molécules seraient prometteuses, comme on a pu le constater dans des essais sur des souris.

Dans le rapport du Sénat sur l’innovation, vos collègues ne semblent pas partager votre enthousiasme.

C’est une notion très particulière, complexe. L’utilisation serait testimoniale et non compassionnelle, éclairée. On doit régler en amont les problèmes de tiers de confiance. Le dispositif en cas d’adoption sera déclaratif, déchargeant les autorités de responsabilité, responsabilisant le patient. Les associations de patients devraient s’y intéresser même si le système n’est pas collectif. Il apportera à la collectivité.

Pourtant les associations sont réticentes…

Nous n’avons pas pris conscience qu’il fallait à un moment prendre davantage de risque. Nous mettons trop en avant le principe de précaution qui n’est pas assez associé au concept de l’innovation. Il nous faut sortir de ce dilemme, ne pas se dissimuler derrière des contraintes administratives ou de responsabilités.

En attendant, rien n’avance. Il n’y a pas de clivage politique sur cette question. C’est un état d’esprit qu’il faut modifier. En cas d’adoption, les molécules seraient fournies par les biotechs. Les effets iatrogènes éventuels seraient assumés par le patient qui prend le risque de survivre. J’ai déposé un amendement lors du PLFSS 2018. Je compte bien recommencer cet automne. Nous disposons pour faire avancer ce dossier de relais chez nos collègues députés.

ATU

Source : Décision Santé: 312