« Ce sera sans doute mon activité la plus compliquée à arrêter. » Bien que devenu sénateur en septembre dernier, Bernard Jomier voulait absolument continuer à exercer en tant que généraliste. Il a gardé une demi-journée de consultation dans le 19e arrondissement de Paris. « Je suis contre le cumul des mandats mais pour le cumul emploi-mandat. Même si je ne suis pas sûr que ce soit très raisonnable, j’avais à cœur de continuer. Chaque consultation est un enrichissement, on ne finit jamais d’apprendre », explique-t-il.
La politique en tant que « métier » est venue sur le tard pour Bernard Jomier. À 38 ans, il obtient son premier mandat, sur la liste des Verts lors des élections municipales de 2001, il devient alors maire adjoint du 19e arrondissement de Paris en charge de la santé. Un engagement peut-être tardif mais dans la continuité d’investissements associatifs, beaucoup plus précoces. Dès ses 18 ans, il s’engage auprès d’Amnesty International, jusqu’à faire partie du bureau exécutif. Il rejoindra aussi Médecins du monde ou participera à la fondation de l’association Primo Levi, qui soigne les personnes victimes de torture notamment. « Quand j’ai monté mon cabinet dans le 19e, je me suis intéressé à ce qu’il se passait dans le quartier. Il y avait un urbanisme très dur à l’époque, avec un effacement de tous les espaces verts. J’ai décidé de m’investir et les Verts étaient ceux qui portaient ces combats. C’est clairement la question de l’insertion de l’être humain dans son environnement, de sa durabilité qui m’a motivé. Pour moi, il y a un continuum entre l’engagement associatif et politique », souligne-t-il.
L'écologie trait d'union de ses deux vies
Après sa réélection comme adjoint dans le 19e en 2008, il devient adjoint à la mairie de Paris en charge de la santé, du handicap et des relations avec l’AP-HP en 2014, avant de quitter ses fonctions après son élection au Sénat à l’automne 2017. Si elle s’incarne dans son engagement politique, l’appétence de Bernard Jomier pour l’écologie au sens large explique aussi son attraction pour la médecine. Fils d’un forestier et d’une professeur de Lettres, aucun autre de ses cinq frères et sœurs ne sont dans une profession de santé. « C’est mon intérêt pour la biologie et le vivant qui m’a orienté vers la médecine, confie-t-il. Au départ j’ai fait de la médecine tropicale que je considère proche de la médecine générale : il faut pour chacune d'elles intégrer toutes les données de l’environnement pour comprendre les pathologies ».
Pour faire bouger les choses, le généraliste ne considère pas être plus utile en tant que sénateur qu’avec son stétho. « Ce qui est important, ce sont les combats que l’on porte et il existe des tas d’endroits où les porter. » Mais son métier d’origine, au-delà d’une expertise sur certains sujets, influence l’homme politique qu’il est. « Le contact avec les patients apprend l’humilité. Je suis toujours dubitatif quand je vois des jugements très définitifs portés par des responsables politiques. L’être humain et le monde c’est la complexité, et le rapport avec les patients nous ramène toujours à ça. Il faut se méfier de ce qui paraît évident », explique-t-il.
Défendre la santé au Sénat
Après avoir mené à la ville de Paris des projets contre la pollution de l’air, le sida, pour l’ouverture de la première salle de consommation à moindre risque, pour l’installation des médecins, etc., le néosénateur veut poursuivre ses combats au palais du Luxembourg et en tant que membre de la commission des affaires sociales. Selon lui, « les grands progrès pour la santé humaine dans les années à venir viendront de notre rapport avec l’environnement », par exemple. Le passage d’un système de soins à un système de santé ou l’évolution des hôpitaux figurent aussi parmi les défis majeurs cités par le généraliste. Tout comme celui de la démographie, alors que l’on voit souvent refleurir sur les bancs du Sénat notamment, les propositions de conventionnement sélectif. « Je n’y suis pas favorable, par pragmatisme : ça ne fonctionne pas. »
Au-delà d’incitations financières, comme cela a été fait à Paris, Bernard Jomier pense qu’une des solutions est d’assouplir les modes d’exercice. « Nous sommes dans un carcan, il y a tout un ensemble de règles qui complique l’exercice quotidien, il faut déverrouiller, estime-t-il. Par exemple, j’ai noté avec satisfaction l’assouplissement de la position de l’Ordre sur les cabinets secondaires. » À Paris, le généraliste défend aussi l’idée d’un prix de consultation majoré pour correspondre au coût de la vie. Mais quel que soit l’ensemble des mesures à mettre en place, Bernard Jomier croit en la capacité de ses collègues à s’adapter. « Les généralistes ont une formidable capacité à répondre à ces enjeux, il faut leur donner les outils et les aider à muter doucement. »
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