« Les patients se sentent souvent perdus quand ils arrivent à domicile après l'annonce de leur cancer pour prendre leur traitement en ambulatoire. Ils n'entendent pas tout ce qu'on leur explique. » Ce témoignage provient de Dominique Charlety, pharmacienne hospitalière au CHU de Grenoble. Elle participe à l'accompagnement des patients sous anticancéreux oraux et au lien ville-hôpital. Ces derniers représentent environ 500 000 patients en France. Ceux-ci ont besoin d'avoir autour d'eux « une équipe qui tient le même discours et qui joue la complémentarité », abonde Gilles Bonnefond, président de l'Uspo et pharmacien d'officine. Pour que ces patients se sentent épaulés et aidés dans leur épreuve, l'article 11 du code de la santé publique alinéa 8 indique qu'une collaboration entre pharmaciens d'hôpital et d'officine doit être mise en place afin de préparer la sortie du patient de l'hôpital. Cette passation de la situation du patient doit être transmise à l'équipe de ville composée d'un pharmacien officinal, d'une infirmière de ville et d'un médecin traitant. Cette mission fait aussi partie du Caqes.
Selon Jean-Eudes Mory, pharmacien coordinateur du 3C Drôme-Ardèche au centre hospitalier de Valence, il s'agit « d'une prescription initiale à l'hôpital exécutée en ville pour laquelle le pharmacien d'officine a une expérience évidemment limitée s'il procure des dispensations de traitements oraux une ou deux fois l'année ». Et de préciser que cela ne concerne pas les officinaux plus aguerris proches des CHU ou des centres anticancéreux dans leur localisation. « C'est une priorité du troisième plan cancer », ajoute Catherine Rioufol, cheffe du service de la PUI de Lyon sud, qui veut tout faire pour que les patients atteints de cancer puissent poursuivre leur prise en charge pendant la deuxième vague (cf. entretien Axel Kahn).
Oncoral
Depuis 2014, cette pionnière a participé à Oncoral, un dispositif original de suivi avec un binôme pharmacien hospitalier/infirmière de coordination en lien avec le cancérologue hospitalier et les acteurs libéraux. Plus de 300 patients en bénéficient chaque année. Le principe est toujours le même : d'abord une séquence très hospitalo-centrée puis un relais progressif avec la ville puis une prise en charge libérale après la première année de traitement, avec éventuellement un contact possible avec l'équipe hospitalière en cas d'alerte grave.
Consultation tripartite
Un autre dispositif du même type a été installé en 2016 au CLCC Henri-Becquerel de Rouen puis a été implanté peu à peu depuis lors dans toute la région. Il bénéficie aujourd'hui à 90 patients et sollicite 1,5 à 2 ETP. Le suivi du patient sous thérapie orale est réalisé via des consultations tripartites médecins/pharmaciens/infirmières de ville et d'hôpital. Mikael Daouphars, pharmacien du centre, témoigne : « Un bilan de médication du patient avec les interactions éventuelles est réalisé puis l'équipe hospitalière contacte celle de ville et la forme. » La formation dure 30 minutes et la consultation avec le patient 60 à 90 minutes.
Un des moyens de généraliser ces pratiques sera d'en passer par l'article 51 de la LFSS 2018 proposant des financements à l'innovation. Sous l'impulsion de la DGOS, son déploiement expérimental ciblé sur les thérapies orales débutera à partir de 2021. Une quarantaine d'établissements y participeront.
Décollage espéré
Les espoirs d'une montée en puissance de ce dispositif sont grands. Selon Mikaël Daouphars, « notre objectif est de proposer ce dispositif à cinq fois plus de patients. » Idem pour Catherine Rioufol qui espère passer d'un site qui couvre 300 patients à quatre sites qui toucheront 800 à 1 000 patients. Ce qui est certain, c'est que les acteurs attendent la sécurisation du parcours. Car partout il manque du personnel de coordination, même dans les sites apparemment les mieux dotés comme Lyon sud. Une évaluation réelle du temps nécessaire pour mettre en œuvre ce lien ville-hôpital est devenue indispensable.
Autre regret selon Dominique Charlety, dont l'établissement d'ailleurs déficitaire n'a pas été retenu parmi les postulants, « c'est souvent une question de choix de mettre les moyens ou pas sur la coordination et le choix de le faire sur la cancérologie dépend beaucoup des établissements. Il n'existe pas d'équité en fonction des régions et des établissements ».
Interopérabilité
Enfin, un autre problème devra être absolument réglé par le dispositif article 51, l'homogénéisation des outils numériques. Souvent le logiciel de prescription des formes orales est accessible aux seuls pharmaciens hospitaliers et pas encore à ceux de l'officine. Pour Gilles Bonnefond, la messagerie sécurisée fonctionne bien du côté de la ville, mais pas du côté de l'hôpital où il est encore impossible d'enregistrer le nom des acteurs de ville (médecin, pharmacien, infirmière) : « Les éditeurs hospitaliers doivent se mettre en conformité pour que leurs logiciels se parlent, afin qu'on n'ait plus besoin comme aujourd'hui de donner un coup de fil suivi d'un fax. »
La solution suggérée par Catherine Rioufol est une application la plus complète possible qui propose un plan de prise numérique. Elle souligne la difficulté à reconstituer l'ensemble du bilan médicamenteux du patient, ce que seule une équipe ville-hôpital soudée intégrant l'expertise du pharmacien et connectée au patient sera en mesure de consolider.
RCFR 2020, atelier 1 du mardi 24 novembre 2020, "rôle des pharmaciens hospitaliers et officinaux dans les parcours au sein d'une équipe pluridisciplinaire, sécurisation des soins dans les parcours hôpital-ville.
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