Réunis à Strasbourg dans le cadre du « Réseau international francophone pour la responsabilité sociale en santé » (Rifress), les doyens de 60 facultés de médecine, en France et dans le monde francophone, ont complété leurs travaux par un « appel » à promouvoir « une formation respectueuse des valeurs de justice sociale, d’altruisme et de tolérance », afin que les diplômés « agissent en citoyens socialement responsables, aptes à intégrer les enjeux de société dans leur pratique professionnelle ».
Si le congrès du réseau a largement interrogé la place des enseignants de médecine face aux questions sociales, et notamment l’équité en santé et dans l’accès aux soins pour tous, il a rappelé aussi les devoirs éthiques et moraux des facultés de médecine. Comme l’a résumé le Pr Jean Sibilia, doyen de la faculté de médecine de Strasbourg, « il est de notre rôle que tout étudiant puisse étudier dans nos universités quelles que soient sa religion, sa couleur de peau, ses orientations sexuelles ou ses opinions ».
« Chaque étudiant doit savoir qu’il n’y aura aucune tolérance face aux violences, notamment sexistes et sexuelles, mais aussi face aux atteintes à la liberté de penser dans les facultés, et que des sanctions allant jusqu’aux retraits d’agréments de stages pourront être prises dans de tels cas », a souligné ensuite le président de la Conférence des doyens des facultés de médecine et doyen de la faculté de Rouen, le Pr Benoît Veber. La Conférence des doyens entend en outre mieux se faire entendre face aux questions d’organisation et de fonctionnement des structures de soin, rappelant, selon les mots de son directeur général, que « les déserts médicaux nous concernent aussi ».
Pour le Pr Mohamed Adnaoui, président de la Conférence internationale des doyens de médecine francophones et doyen de la faculté de médecine de Rabat (Maroc), la vision des pays francophones des valeurs universelles de l’université pour le respect et la tolérance doit s’exprimer dans l’enseignement, mais aussi dans la pratique des médecins issus de ces facultés. De même, c’est à l’université que les futurs médecins doivent prendre conscience de leurs responsabilités sociales.
L’éthique médicale bafouée dans l’Histoire, un devoir de mémoire pour le futur
Très symboliquement, le congrès a consacré une après-midi de ses travaux à une visite du camp de concentration nazi du Struthof, à une cinquantaine de kilomètres de Strasbourg. Ce camp fut le cadre d’expériences médicales menées sur des déportés par trois professeurs de la faculté de médecine nazie de Strasbourg, qui se substitua durant l’occupation allemande, de 1941 à 1944, à la faculté officielle française alors repliée à Clermont-Ferrand. En août 1943, 86 déportés juifs furent gazés au Struthof sur l’ordre du professeur d’anatomie August Hirt, qui souhaitait utiliser leurs corps pour compléter ses collections d’anatomie comparée. D’autres déportés furent victimes d’expérimentations médicales portant notamment sur les gaz de combat, l’apesanteur et la recherche de vaccins contre le typhus.
Les crimes commis par les médecins nazis, uniques sur le territoire français, ont suscité de nombreuses recherches et études dès la Libération, et deux des trois professeurs de médecine incriminés furent condamnés après la guerre, tandis que Hirt se suicida en 1945. Ce n’est toutefois que depuis quelques années que les victimes furent toutes clairement identifiées, et que la faculté de médecine mena d’importants travaux de recherche pour éclairer tous les aspects de cette période particulièrement sombre. Ce devoir d’histoire et de mémoire a fait l’objet de plusieurs publications universitaires, et est désormais régulièrement rappelé aux étudiants de la faculté, avec le concours d’une commission historique créée dans ce but. « Le Struthof montre jusqu’où peut aller une médecine dévoyée par une idéologie », rappellent les universitaires strasbourgeois, qu’ils soient médecins ou représentants d’autres disciplines.
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