« Le recours à un modèle animal pour l’apprentissage de la chirurgie endocavitaire reste incontournable dans le cursus de formation des chirurgiens », déclare l’Académie de médecine. Alors que régulièrement, des voix s’élèvent pour dénoncer le recours à des animaux en médecine ou dans la recherche, la rue Bonaparte a publié début décembre un communiqué pour défendre le recours à certains gros animaux dans la formation des chirurgiens.
« Depuis des décennies, la mise au point et l’apprentissage de certaines interventions chirurgicales chez les humains se sont appuyés sur le recours à de gros animaux », en particulier le porc, dont l’anatomie thoraco-abdominale et la physiologie sont proches de celles de l’être humain, lit-on. Le développement des greffes d’organes a notamment bénéficié de ce recours aux animaux, met-elle en avant. Et l’apprentissage des techniques chirurgicales au sein des cavités thoracique et abdominale, faisant appel à la laparoscopie, à l’endoscopie ou à l’utilisation d’un robot, se fait encore sur ces gros animaux.
« En microchirurgie, nous apprenons sur des rats, par exemple, à faire des anastomoses sur des artères et des veines sous microscope, après s’être entraînés à faire des sutures sur des objets (compresses…) ou des cuisses de poulet mort. Ces alternatives ne peuvent mimer le sang qui circule dans les vaisseaux », ajoute Gabriel Giaoui, interne en chirurgie plastique et reconstructrice et titulaire de deux diplômes universitaires de microchirurgie.
Des alternatives pas totalement convaincantes
Ces dernières années, les alternatives aux animaux se sont en effet étoffées : mannequins plus ou moins sophistiqués, simulation informatique…
Si l’Académie reconnaît qu’ils sont à utiliser en première intention pour réduire le recours aux animaux, « à ce jour, les modèles in vitro et in silico ne permettent pas de fournir au chirurgien un retour haptique réaliste (sensation au toucher, NDLR) et ne peuvent reproduire correctement les saignements liés à des effractions vasculaires qui peuvent survenir et modifier la perception du champ opératoire, explique-t-elle. S’il faut être confiant que les progrès rapides, notamment des modèles in silico suffisamment réalistes en lien avec l’accroissement de la puissance de calcul en temps réel, conduiront à ne plus recourir à l’apprentissage sur animaux, l’abandon dès aujourd’hui de ce recours à l’animal conduirait à une formation imparfaite des chirurgiens et, corrélativement, à un risque chirurgical plus élevé pour le malade ».
Respect de l’animal
L’Académie assure que les interventions chez l’animal se font « dans les conditions de la chirurgie chez l’Homme (anesthésie, asepsie), dans des structures dédiées, dûment autorisées, et suivies par les services compétents de l’État, certaines étant reconnues comme exemplaires au niveau international ». Et rappelle que « le recours aux animaux, limité au strict nécessaire, doit s’effectuer dans le plein respect du bien-être animal, notamment concernant les conditions d’élevage, de transport et d’hébergement des animaux, après une évaluation éthique par une entité officielle et sous la supervision d’un vétérinaire ».
Des principes que le Dr Gabriel Saiydoun, chirurgien cardiaque et président du Conseil national des jeunes chirurgiens (CNJC), a fait siens. « Il faut se former sur les modèles alternatifs en plein développement. L’utilisation des animaux, qui devient moins fréquente avec les méthodes de simulation numérique notamment, obéit à la réglementation européenne et française, en plus du principe éthique fondamental des 3er (réduction, remplacement, raffinement) ».
« Nous sommes sensibilisés à la dimension éthique de l’expérimentation animale, nous avons des cours théoriques et en pratique, nous savons que tous les formateurs n’ont pas le droit de toucher aux rats. Nous aimerions bien pouvoir opérer sur des modèles alternatifs, nous partageons un souci générationnel du bien-être animal », témoigne Gabriel Giaoui.
L’Académie conclut en appelant à renforcer le financement de recherches visant à l’amélioration des méthodes d’apprentissage des différentes techniques chirurgicales in vitro et in silico.
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