LE QUOTIDIEN : SOS Médecins joue un rôle crucial pendant la période des fêtes de fin d’année. Comment qualifiez-vous l’activité de l’association cette année ? En hausse ? En baisse ?
Dr PHILIPPE PARANQUE : La période est extrêmement tendue pour de nombreuses raisons. D’abord, cette année, les jours fériés tombent en milieu de semaine, ce qui aggrave le déficit en bras. De nombreux cabinets médicaux ferment. À cela s’ajoute une forte recrudescence de pathologies infectieuses, notamment grippales. Nous faisons systématiquement des tests pour identifier les cas de Covid mais, actuellement, c’est surtout la grippe qui prédomine. Malgré un engagement fort, nos ressources s’avèrent insuffisantes, en particulier sur les visites à domicile. Cette saturation est bien plus marquée que l’an dernier. Je n’ai pas encore les chiffres actualisés des derniers jours mais il est possible que le pic épidémique soit similaire à celui de l’année dernière, voire légèrement plus élevé.
Nous observons également une augmentation de l’activité non liée à l’épidémie. Les besoins en soins non programmés persistent toute l’année et se maintiennent à un niveau élevé pendant cette période. Toutes nos structures sont opérationnelles, avec des renforcements d’équipe partout où cela est possible. Nous faisons au mieux, baissant la tête durant ces 15 jours, mais nous avons de véritables difficultés à répondre à l’ensemble des besoins. C’est un défi pour nos équipes.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées par vos équipes face à cette surcharge ? Comment y font-elles face ?
SOS Médecins repose sur une organisation très structurée. Tout commence par la régulation, où la demande est filtrée pour prioriser les cas les plus urgents. Cela permet de limiter l’impact direct sur les médecins sur le terrain. Malgré tout, nous sommes confrontés à des situations de saturation, où nous devons malheureusement informer certains patients que nous ne pourrons pas répondre immédiatement à leur demande. Nous faisons de notre mieux pour renforcer les équipes quand c’est possible mais les effectifs restent insuffisants sur l’ensemble du territoire. Il est difficile de pointer des zones spécifiques plus affectées car la situation est vraiment tendue partout.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les jours fériés ne sont pas forcément les plus chargés
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les jours fériés ne sont pas forcément les plus chargés. On observe légèrement moins d’appels. C’est une tendance en décalage avec les chiffres des urgences hospitalières qui, elles, renforcent leur recrutement sur la petite traumatologie les 24, 25 et 31 décembre. De notre côté, pour ce qui est des soins non programmés, c’est très intense sur toute la période des fêtes.
Quelles situations rencontrez-vous le plus fréquemment ?
Les pathologies infectieuses dominent, notamment la grippe, mais aussi des pathologies courantes qui nécessitent une prise en charge non programmée. Quant aux accidents ménagers, souvent évoqués pendant les fêtes, ils ne constituent pas le cœur de notre activité. Les motifs pour plaies traités par SOS Médecins sont moins fréquents que ceux signalés par les urgences hospitalières sur la même période. Les personnes âgées à domicile nous préoccupent beaucoup. Ces patients ne peuvent pas toujours se déplacer vers les centres de consultation et une orientation vers les urgences pour des motifs qui ne nécessitent pas une hospitalisation est toujours une mauvaise option. Ce phénomène s’aggrave chaque année.
Estimez-vous que les mesures prises dans le cadre de la convention médicale vous permettent de répondre efficacement à la forte demande ?
Les nouveaux tarifs, entrés en vigueur le 22 décembre, ne représentent qu’un rattrapage partiel de l’inflation depuis la mise en place des anciens. Bien que cette revalorisation soit appréciable, elle ne suffit pas à compenser les frais supplémentaires liés à notre activité, comme le carburant ou les stationnements. Nous n’avons pas obtenu la visite à 70 euros que nous revendiquions mais nous entendons les contraintes budgétaires actuelles. Cela nécessitera des discussions futures avec l’Assurance-maladie et les autorités sanitaires.
Il est impératif de mieux valoriser notre travail, surtout dans le contexte actuel où les besoins des seniors à domicile augmentent. Ces patients âgés perdent progressivement leurs médecins traitants partis à la retraite. Ils restent alors à domicile sans suivi pour leurs pathologies chroniques, ce qui les expose à des décompensations graves. Cette population âgée ne peut se permettre d’attendre ou de se rendre aux urgences pour des soins qui peuvent être prodigués chez eux. Nous devrions pouvoir répondre à leurs besoins mais les ressources manquent cruellement.
*SOS Médecins France est une association nationale centrée sur la visite à domicile. Elle regroupe un millier de médecins engagés dans l’aide médicale urgente, hors urgences vitales, et la médecine générale courante nécessitée par la permanence des soins.
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