Ce soir-là, les consultations se sont enchaînées à un rythme soutenu et de nombreux patients attendaient patiemment leur tour en discutant dans une salle d’attente bondée. À 20 h 45, me voilà nez à nez avec un résident de passage qui m’a été envoyé par la pharmacie car il présentait une plaie de la cuisse. Après avoir réalisé la suture de cette lésion, je jubile quelque peu car il s’agissait de la dernière personne à consulter.
C’est alors que j’ai pris le temps de converser avec ce patient à propos de la situation des médecins. Ce dernier m’a expliqué que travailler comme je le faisais était quelque peu inconscient.
Voici son raisonnement : en acceptant les patients sans rendez-vous, j’augmente mon chiffre d’affaires et mes revenus. En agissant de la sorte, j’améliore, certes, mon pouvoir d’achat, mais j’alimente généreusement également les caisses du Trésor public, et cela au détriment de ma santé et de ma vie privée.
Les jeunes confrères ont bien compris cela et refusent de travailler plus de 35 heures. Ils peuvent ainsi mieux profiter de leur famille et n’alimentent pas les comptes de l’État, qui doivent être sans cesse approvisionnés du fait d’un déficit abyssal.
Accoudé à la chaise de mon bureau, j’ai pris conscience de la pertinence des propos de ce charmant patient, commissaire à la Cour des comptes. Ma passion pour le métier m’aveugle.
Prendre du recul est nécessaire : notre estime démesurée pour la profession ne doit pas nous faire perdre de vue notre confort de vie.
Dr Pierre Francès, Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales)
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