Comment par souci éthique vouloir organiser la mort dans la dignité alors que notre société :
- ne permet pas de vivre dans la dignité, au travail avec un taux de burn-out en constante augmentation, avec une prolétarisation financière et sociale des jeunes, un tel sort des réfugiés vivants sans toit, dénutris et entassés dans des camps après avoir traversé la mer et avoir la chance de ne pas y mourir ;
- laisse les patients survivre dans l’indignité lors d’un passage à l’hôpital en ayant la chance de ne pas y mourir ni de stagner plus de deux jours sans soins actifs ni impression de regards humains d’un personnel de santé surbooké et exténué depuis des années, la plupart du temps au nombre limité par une pénurie réelle ou la volonté de limiter les coûts de santé ;
- laisse des personnels médicaux se faire insulter, agresser depuis des mois et même mourir dans l’indignité sous les coups d’une arme blanche dans le vestiaire d’un service hospitalier ;
- permet de survivre à un âge avancé dans l’indignité et la solitude à l’Ehpad où l’on se sent dépouillé de tout et dépersonnalisé avec un minimum de prise en charge médicale, sociale, psychologique et récréative alors que les moyens financiers manquent par défaut de budgétisation programmée. Certains établissements en toute connaissance de cause vont même jusqu’à faire des profits plus ou moins contrôlés sur le dos des résidents. Certains de ceux-ci sont placés (souvent difficilement par manque de structures adaptées) par leur famille qui viendra peu ou pas leur rendre visite une fois hébergés.
Alors commençons dans ce pays par s’occuper de la dignité de vivre avant d’envisager de celle de mourir (plus vite !) dans la dignité après que notre société a lâchement participé au « manque de vivre dans la dignité ».
Notre société bafouant ainsi la dignité de vivre, comme pour s’excuser de rester dans le déni, nous propose de mourir dans la dignité car comme les services de soins palliatifs manquent, pourquoi ne pas élaborer un projet de loi sur l’aide active à mourir mais… dans la dignité. C’est finalement moins coûteux en termes d’économie de santé que de développer massivement et au plus vite les services de soins palliatifs dont nous manquons !
Il est dommage et incohérent que le progrès médical ait largement contribué (à grands frais) à augmenter la longévité de la vie en relative bonne santé et que la dignité de vivre soit autant occultée, surtout dans les dernières années de vie et ce bien souvent pour des raisons économiques.
La dignité de vivre comme de mourir doit s’inscrire dans un projet politique de société c’est-à-dire de choix éthique et économique pour lequel les dirigeants devraient avoir l’ambition et le courage d’emmener les femmes et les hommes de notre pays à participer à un tel projet et ne pas se contenter de les embarquer dans un projet d’aide active à mourir.
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