Le wokisme désigne initialement une prise de conscience des problèmes liés à la justice sociale et à l'égalité raciale. Nos sociétés démocratiques, sont entrées dans une période de wokisme (dérivé de l'anglais, to wake, qui signifie se réveiller), un courant venu des États-Unis, en particulier avec le développement du mouvement Black Lives Matter. Qu’en est-il dans le monde de la publication scientifique ?
Une absence de diversité
Les Sociétés savantes et les journaux scientifiques ont été créés au XVIIe siècle. À cette époque, les femmes étaient très peu (ou pas du tout) représentées au sein de ces organisations. À la fin du XXe siècle, la langue anglaise est devenue le standard de la communication scientifique, ce qui a encore creusé des inégalités. Les comités de rédaction ont été organisés et dirigés par des hommes blancs de plus de 50 ans. Les revues scientifiques étaient contrôlées par l’hémisphère nord, sans considération pour les chercheurs des pays en développement.
Les auteurs des articles étaient principalement des hommes. Quand il y avait des femmes, leur position au sein de la liste des signataires n’était pas mise en valeur. Pour les articles dont les deux premiers auteurs ont contribué à valeur égale, la femme est le plus souvent reléguée en deuxième position ! Les reviewers (relecteurs qui évaluent les articles avant publication) sont essentiellement des hommes de pays développés.
En bref, les femmes, les populations non-blanches, les chercheurs de pays en développement, ceux en situation de handicap, et les communautés LGBTQIA+, sont peu représentés au sein des publications, que ce soit en tant qu’auteur ou en tant que reviewer.
Le changement a commencé : il sera long
Des initiatives se développent pour dénoncer l’injustice sociale. Exemple : le blog du journal BMJ Leader donne la parole* à des chercheurs qui évoquent ces questions. Une jeune coordinatrice de publications, anglo-saxonne noire, explique comment elle est perçue « négativement », subit le racisme, et vit dans une société qui n’a pas été conçue pour elle.
Des recommandations de bonnes pratiques sont formulées à l’intention des revues : « Pour améliorer la culture académique, les rédacteurs devraient veiller à engager un pool divers et varié d’auteurs, de relecteurs, de personnel administratif, de membres de comité de rédaction et de lecteurs (Comité international des rédacteurs de journaux médicaux). » Des publications suggèrent, lors du choix des co-auteurs d’un article, de prendre en compte l’expertise, le niveau dans la carrière, mais aussi le genre, la géographie, la race... C’est parfois difficile.
Les revues du groupe The Lancet ont introduit il y a quelques années une parité homme/femme au sein de leurs comités de rédaction. De même, phénomène nouveau, les journaux prestigieux comme le British Medical Journal, le Jama, les Annals of Internal Medicine ont nommé des femmes à la tête de leur rédaction. Ce n’est encore jamais arrivé pourThe Lancet etThe New England Journal of Medicine. Des chercheurs de l’hémisphère sud ont également été inclus dans de nombreux comités de rédaction.
Ce mouvement d'ouverture est plus lent en ce qui concerne les auteurs d’articles, encore composés de moins de 30 % de femmes (grandes variations selon les domaines). Les questions à considérer pour ces changements sont nombreuses et difficiles. Comment améliorer la diversité des auteurs, relecteurs, rédacteurs ? Comment susciter plus d’articles sur certains sujets, par exemple sur les problématiques de la couleur de la peau ? Comment s’assurer de la diversité dans les essais cliniques ? Comment évaluer la diversité, l’équité et l’inclusion et mesurer les progrès dans les publications et au sein des comités de rédaction ? Comment diminuer les barrières liées à la langue ? Quels jargons vont s’imposer ?
Au sein des Sociétés savantes et des rédactions de journaux, des initiatives se mettent en place sous diverses appellations : Equity, Diversity, Inclusion (EDI), Diversity, Equity, Inclusion (DEI), Inclusion, Diversity, Equity and Accessibility (IDEA), Inclusion, Diversity, Equity, Anti-racism, & Social Justice (IDEAS).
Améliorer la justice sociale est souhaitable. Mais ces initiatives suscitent encore de vifs débats dans la communauté scientifique et plus largement dans la société.
Des publications suggèrent, lors du choix des co-auteurs d’un article, de prendre en compte l’expertise, le niveau dans la carrière, mais aussi le genre, la géographie, la race...
* Justice sociale et inégalités dans le système de soins
https://blogs.bmj.com/bmjleader/category/healthcare-inequalities-and-so…
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