La profession médicale se féminise, c’est un fait : plus de la moitié des 237 300 médecins sont des femmes (contre 40 % en 2010) et on retrouve ce phénomène chez les autres acteurs de santé. Malgré les écarts de salaires et la sous-représentation des femmes aux postes à responsabilité, la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, ministère de la Santé) projette même qu’en 2050, six médecins français sur 10 seront des femmes !
Oh, je sais ce que vous allez dire : c’est bien à cause de ça que, malgré le manque criant de médecins, le salariat flambe et que le travail à temps partiel prend de l’ampleur. Ça n’arrange pas nos affaires… Sans doute, mais je n’imagine pas reprocher à de jeunes consœurs, ni à de jeunes confrères d’ailleurs, de prioriser l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
Des avantages pour les patient·e·s
Une médecine féminisée, et donc une plus grande diversité au sein des équipes de santé, ça a aussi des avantages, en particulier pour la santé des femmes : meilleure prise en compte ou compréhension des besoins spécifiques féminins, plus grande promotion de la qualité de vie et de la prévention, amélioration de la relation médecin-patiente, intérêt pour la réduction des biais sexistes et influence sur les politiques de santé en faveur de la santé des femmes. Ainsi, nos patientes ont tout à gagner à voir le nombre de médecins femmes augmenter en France.
Cependant, le parcours universitaire de l’étudiante en médecine est loin d’être un long fleuve tranquille, comme l’ont illustré les échanges aux états généraux du collectif Femmes de Santé, la semaine dernière, sur la place des femmes dans le secteur professionnel de la santé, et d’après plusieurs enquêtes récentes (baromètre annuel Donner des elles à la santé, questionnaire de l'Ordre des médecins, enquête des associations et syndicats d’étudiant·e·s en médecine Anemf, Isnar-IMG et Isni).
Tout d’abord, les étudiant·e·s en médecine, quel que soit leur genre, doivent faire face à des facteurs de risque psychosociaux spécifiques identifiés par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) comme l’intensité et le temps de travail (59 heures par semaine en moyenne pour les internes), la forte exigence émotionnelle ou encore la dégradation des rapports sociaux au travail.
Ensuite, si on sait que la santé mentale des personnels hospitaliers n’est pas bonne, avec des symptômes de dépression et d’anxiété supérieurs de plus de 10 points à l’ensemble des personnes en emploi et plus d’un quart d’entre eux déclarant avoir besoin d’aide pour des difficultés psychologiques, les futurs médecins ne font pas exception. L’enquête sur les étudiant·e·s en médecine (des filles à 71 %) rapporte de nombreux impacts sur la santé mentale : deux tiers de burn-out, 52 % de symptômes anxieux sur une échelle validée et 27 % d’épisodes dépressifs caractérisés, tous symptômes aggravés par la précarité socio-économique. Plus grave encore, une personne interrogée sur cinq rapporte des idées suicidaires sur l’année écoulée et 10 % pensent quotidiennement à arrêter la médecine.
En outre, si près de la moitié des hospitalières estiment que la grossesse a des effets négatifs sur leur carrière, les internes subissent, de plus, le risque d’invalidation de stage si elles ne peuvent être présentes au moins quatre mois pour que celui-ci soit comptabilisé.
Libération de la parole sur les violences sexistes et sexuelles
Enfin, 2024 aura été l’année de la libération de la parole médicale sur les violences sexistes et sexuelles (VSS) à l’hôpital. Agnès Buzyn, Karine Lacombe, Roselyne Bachelot, Marine Lorphelin, toutes auront témoigné de leur expérience personnelle de violences sexistes ou de harcèlement sexuel pendant leurs études. Et, dans le sillage du mouvement #MeTooHopital, les données ont afflué cette année sur les VSS. Parmi les femmes médecins, près de la moitié déclarent avoir été victimes de VSS, majoritairement des outrages sexistes et/ou sexuels, mais aussi du harcèlement sexuel, des agressions sexuelles et bien sûr des viols ou tentatives de viol. On estime ainsi que, sur 100 personnes prononçant le serment d’Hippocrate, une a été violée !
À l’aube de 2025, je formule ce vœu : protégeons celles et ceux qui nous soigneront demain
Les faits rapportés se produisent majoritairement pendant le parcours étudiant et les auteurs cités sont le plus souvent des médecins thésés, voire des enseignants, maîtres de stage ou encadrants. Malgré la gravité des faits, de nombreux freins au signalement persistent (honte, crainte de ne pas être crue ou peur de discriminations professionnelles ultérieures). Les victimes rencontrent aussi beaucoup de difficultés à se faire reconnaître, d’abord par manque de soutien mais aussi par la banalisation culturelle des VSS dans le monde médical.
Alors, à l’aube de 2025, je formule ce vœu : protégeons celles et ceux qui nous soigneront demain.
En partenariat avec France Info
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