En Syrie, une épidémie de choléra s’est déclarée fin août. Plus de 10 000 cas ont été recensés et une soixantaine de décès sont à déplorer. La bactérie n’a pas mis longtemps à traverser la frontière : le 6 octobre, le ministre libanais de la Santé, Firas Abiad, a annoncé un premier décès. Depuis lors, plusieurs centaines de cas ont été détectés dans les régions rurales du Akkar et de Baalbeck-Hermel, frontalières avec la Syrie et où vivent de nombreux réfugiés syriens. Deux morts supplémentaires ont été enregistrés.
La réapparition du choléra au Liban après près de trente ans d’absence est « probablement due aux mouvements de populations entre les deux pays », explique le Dr Abdinasir Abubakar représentant du bureau régional de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Beyrouth. Des analyses sont en cours pour déterminer l’origine de la souche qui se propage, mais les frontières dans la région sont poreuses et les mouvements de populations habituels. C’est notamment pour cette raison que l’OMS estime « les risques élevés d’épidémie au Liban, le choléra se propageant rapidement si les conditions sont propices ».
Ces conditions sont d’autant plus favorables que le pays a traversé ces trois dernières années l’une des pires crises économiques que le monde ait connues depuis le milieu de XIXe siècle. Le secteur de la santé n’a pas été épargné. « La flambée de choléra actuelle se produit sur fond d’effondrement économique », rappelle le Dr Saoud al-Youssef, directeur général du Centre hospitalier El-Youssef de Halba, une bourgade du Akkar dans le Nord du pays, où sont recensées la majorité des infections. « Le secteur médical a perdu 40 % de ses médecins et 30 % de son personnel soignant. Tous ont préféré quitter le pays pour travailler à l’étranger tandis que de nombreux traitements ne sont plus accessibles », relève-t-il. Le vaccin contre le Vibrio cholerae n’est ainsi pas disponible au Liban. Les autorités du pays qui espérait sécuriser un million de vaccins pour les populations les plus vulnérables, ne devraient en recevoir rapidement que 10 000, du fait de la pénurie mondiale de vaccin.
Des professionnels confiants malgré tout
Malgré la gravité de la situation, la plupart des professionnels du secteur se montrent confiants. « Du point de vue médical, nous pouvons absorber ce nouveau choc : les procédures de prise en charge et les traitements s’avèrent simples », assure Wahib Nini, qui dirige l’hôpital du même nom à Tripoli, la capitale de la région nord. Comme cet établissement, une trentaine d’hôpitaux ont été désignés pour accueillir les patients et assurer le suivi épidémiologique. « Les premiers traitements - les sérums de réhydratation et les antibiotiques de première génération - sont disponibles en quantité suffisante ; les sérums sont d’ailleurs produits au Liban : nous ne devrions donc pas en manquer », ajoute-t-il.
Une brochure diffusée par le ministère de la Santé explique même comment préparer soi-même une solution de réhydratation, le cas échéant. Le ministère a, en outre, donné l’ordre de traiter tous les cas présentant les symptômes de l’infection sans attendre les résultats d’éventuels dépistages. « Nous n’envisageons pas de problèmes majeurs, sauf si nous passons au stade de l’épidémie », reprend Wahib Nini.
Mais au Liban comme en Syrie le problème est d’abord un problème de santé public lié aux services d’approvisionnement, de distribution et de retraitement des eaux. « Faute d’un accès à l’eau potable, les risques de propagation sont réels », a d’ailleurs averti le député Abdel Rahman Bizri, ancien responsable du Comité de la lutte contre le Covid-19 et spécialiste des maladies infectieuses, à la radio nationale. Or, l’eau potable est rare. En Syrie, c’est la guerre, qui sévit depuis 2011, qui a détruit les infrastructures. Au Liban, la crise. Dans des régions rurales, où l’infection se cantonne pour l’heure, les stations de pompage ne fonctionnent plus faute de courant électrique. La population se retrouve dépendante d’approvisionnements alternatifs, notamment de puits villageois sans qu’aucune analyse ni contrôle ne soit jamais mené. « Même les stations d’assainissement sont à l’arrêt : les eaux usées sont rejetées sans traitement et sont parfois utilisées pour l’irrigation agricole, contaminant les nappes ou les sources phréatiques souterraines. C’est un cercle vicieux », relève le responsable d’une station du Nord sous couvert d’anonymat.
En première ligne, l’Unicef vient de distribuer 80 000 litres de carburant aux stations des régions concernées. « De quoi tenir quinze jours », déplore le responsable. L’agence des Nations unies consacrée à l’enfance, qui a distribué plusieurs milliers de kits de prévention (chlore, désinfectant pour les mains…) aux écoles et aux camps de réfugiés, se dit en mesure de soigner quelque 5 000 cas avec l’espoir d’éviter une énième catastrophe sanitaire.
Exergue : « Le secteur médical a perdu 40 % de ses médecins et 30 % de son personnel soignant. »
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