CHARLES JOHN HUFFMAN DICKENS reste le plus grand auteur britannique avec Shakespeare. À la fois Hugo et Zola, cet enfant du Hampshire, né à Portsmouth en 1812, découvre le comté de Kent à 5 ans lorsque sa famille s’installe à Chatham, près de la ville de Rochester. Il y passera les plus belles années de son enfance. Grand pourfendeur de la misère, de l’exploitation industrielle et de la civilisation du profit, le romancier populaire aimait Rochester, où il prit l’habitude de promener ses lecteurs.
Ici, l’écrivain se fond dans le décor. Il est vrai que le charme de cette ville anglaise semble s’être figé il y a un peu plus d’un siècle. Sa grand-rue, High Street, déborde de pubs aux boiseries patinées qui portent le nom des héros de Dickens, de boutiques clinquantes et de jolies maisons en brique flanquées de bow-windows. Un vieux château normand solide comme un roc, avec des murs de 4 m d’épaisseur, surveille la ville depuis le XIIe siècle.
Chaque année, dans les premiers jours de juin, la ville revisite l’univers de Dickens le temps d’un festival. Robes victoriennes à frous-frous, belles toilettes, uniformes, jaquettes et hauts-de-forme côtoient un petit peuple pitoyable qui défile dans ses habits de misère au son de la cornemuse. À chaque pas, Rochester fait surgir le décor d’un roman ou les lieux qui inspirèrent Dickens. Ainsi, derrière la cathédrale, Minor Canon Row, une rangée de maisons en briques rouges, apparaît dans « le Mystère d’Edwin Drood ». Pumblechook travaillait au 150-154 High Street dans « les Grandes Espérances ». Au Watts Charity, l’un des bâtiments les plus anciens de Rochester, on offrait 4 pence aux pauvres, en plus du gîte et du couvert, Dickens l’immortalise dans l’un de ses « Récits pour Noël » en s’attribuant le rôle du septième voyageur dans « les Sept Voyageurs pauvres ». Les scènes d’ouverture des « Aventures de Mr Pickwick » se déroulent au Bull Boar Inn. Enfin, on a installé entre deux grandes maisons le chalet suisse dans lequel le romancier a écrit son dernier roman inachevé, « le Mystère d’Edwin Drood » et qui était planté dans un fouillis d’arbres au milieu du jardin de sa propriété de Gads Hill Place, à Higham.
Dickens parcourt le Kent de long en large. Il aime cette campagne noyée de verdure et de jolis bocages. Henri VIII en avait fait le potager de Londres. Ces terres sont les plus proches du continent européen donc le lieu de passage privilégié des conquérants. Jules César y débarqua avec son armée en 55 avant J. C. ; les princes saxons en firent un royaume ; saint Augustin vint, selon la légende, christianiser les populations.
C’est également dans le Kent qu’on trouve les plus beaux jardins anglais – herbes folles et nature débridée – qui s’adressent à l’âme humaine. Certains disent que les jardiniers anglais n’ont fait qu’imiter la campagne.
Dickens dépeint aussi Douvres et Canterberry, arpente la barbe au vent la péninsule de Thanet, passe sa lune de miel avec Catherine Hogarth dans une maison de Chalk appelée Craddock’s Cottage, s’installe pour les vacances à Broadstairs, agréable station balnéaire de la côte est où il aime écouter les histoires des pêcheurs au pub Tartar Frigate. Il acquiert même un manoir planté au bord d’une falaise, connu sous le nom de Fort House. Il s’inspira de cette maison pour La Maison d’Âpre-Vent et y écrit David Copperfield. C’est d’ailleurs à Broadstairs qu’un petit musée rassemble certains des effets personnels du romancier. Cette maison était la résidence de Miss Pearson Strong dont il fit le personnage de Miss Betsey Trotwood, dans David Copperfield. Ainsi, Dickens n’avait pas besoin d’inventer, il s’imprégnait d’un décor qui semble immuable.
** Ne pas manquer
* Une visite à Dickens World, parc à thème en hommage à l’écrivain situé dans les anciens chantiers navals de Chatham. Immersion dans l’Angleterre de Dickens, découverte de son époque, le meilleur et le pire de la vie urbaine, son univers, les personnages de ses romans à travers des attractions telles que le Dark Ride, la maison hantée d’Ebenezer Scrooge ou The School Room (www.dickensworld.co.uk).
* Le Rochester Dickens Festival, début juin (cette année, du 30 mai au 2 juin), devenu, avec ses nombreuses animations, l’un des grands événements du Sud-Est de l’Angleterre. On remonte le temps jusqu’au XIXe siècle et on croise au détour des rues les personnages du romancier (www.whatsonmedway.co.uk).
* En face de Vines Park à Rochester, Restauration House, nommée ainsi par Charles II, qui y logea la veille de la Restauration et de sa prise de pouvoir, sert de modèle pour Satis House, la maison de Miss Havisham dans « les Grandes Espérances » (ouverte du 31 mai au 28 septembre, www.restorationhouse.co.uk).
* La région marécageuse de Cooling, décrite par Dickens comme rude et sauvage, est l’endroit où se déroulent les premiers chapitres des « Grandes Espérances ». Dans l’église de Cooling, deux rangées de pierres taillées en forme de losange signalent les tombes de 13 enfants d’une même famille décédés avant d’avoir atteint leur deuxième année. Dickens s’inspire de cette histoire pour les frères défunts de Pip, personnage principal et narrateur de son roman.
* Une visite de Gad’s Hill à Higham, la maison que Charles Dickens rêve de posséder enfant. Il l’admire lors de ses promenades avec son père et l’achète en 1856. C’est ici qu’il meurt en 1870.
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