« Ce qu'il reste de la folie »

« Une touche de marabout »

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Publié le 20/06/2016
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Ciné-Folie

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Crédit photo : KS VISIONS/BABEL XIII

Admirateur de Jean Rouch, dont il a découvert « les Maîtres fous » à l'adolescence et qu'il a rencontré (le cinéaste l'a même soigné avec des herbes traditionnelles, à la suite d'une maladie contractée en Mauritanie !), Joris Lachaise s'est aussi intéressé à la psychiatrie via les écrits de Frantz Fanon, psychiatre, écrivain et militant anticolonialiste.

Cela, entre bien d'autres raisons, l'a conduit à l'hôpital de Thiaroye, à la périphérie de Dakar, pour tenter de voir, un demi-siècle après l'indépendance du Sénégal, ce qu'il en est de la psychiatrie post-coloniale, et de saisir l'évolution de l'approche de la maladie mentale avec la transformation des sociétés africaines.

Joris Lachaise a consacré trois ans à l'entreprise, qui lui a valu le Grand Prix de la compétition française du Festival international de cinéma de Marseille (FID). S'il a choisi Dakar, c'est aussi sur les traces du neuropsychiatre militaire Henri Collomb, créateur en 1958 du premier département de psychiatrie du Sénégal et promoteur d'une pratique ouverte. C'est ce dernier qui a institué le principe de l'accompagnant : chaque malade est hospitalisé avec un proche.

Le documentariste filme l'intérieur de l'hôpital, en en surexposant la blancheur, ainsi que dans des lieux extérieurs, où se déroulent des pratiques traditionnelles. Il reste le plus souvent au plus près des visages, médecin en consultation ou en réunion, malades et ex-malades qui témoignent, comme l'écrivain-cinéaste Khady Sylla et le poète Thierno Seydou Sall.

Il n'y a pas de commentaire, ce qui fait qu'on ne comprend pas toujours précisément ce qui est en jeu. Mais apparaît une psychiatrie qui ne ferme aucune porte (« Une touche de marabout », entend-on), ouverte sur la culture des patients. Humaine.

Renée Carton

Source : Le Quotidien du médecin: 9506