THEATRE - « Dom Juan », de Molière

Un très beau spectacle… mais

Publié le 03/10/2012
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Crédit photo : B. ENGUÉRAND

IL EST TRÈS BEAU, ce spectacle. L’équipe artistique de Jean-Pierre Vincent a le sens de l’harmonie des paysages, des couleurs, des lumières, des atmosphères. Scénographie (Jean-Paul Chambas), costumes (Patrice Cauchetier), lumières (Alain Poisson), son (Benjamin Furbacco), maquillages (Suzanne Pisteur) : l’esthétique de ce « Dom Juan » est superbe.

Et le personnage de Don Juan, Loïc Corbery, a tout pour nous séduire. Il étourdit tous ceux qu’il croise dans ce voyage-fuite, son chemin cinq actes durant. Loïc Corbery, qu’on a loué la saison dernière dans Musset, incarne ici un jeune aristocrate désinvolte, joueur, jouisseur, provocateur, très juvénile, presqu’enfantin parfois. De temps en temps, pourtant, il s’interrompt et semble réfléchir, s’interroger sur le sens des avertissements que lui donne le ciel. Il est très gamin… et puis, soudain, la gravité le saisit. Sganarelle a l’humanité du merveilleux Serge Bagdassarian. Un Sganarelle qui raisonne, qui n’est pas ridicule. Le couple est complice, léger, drôle. On s’amuse beaucoup. Le metteur en scène demande aux interprètes de s’adresser à la salle, de prendre à témoin le public.

Les épisodes de ce roman de cape et d’épée se suivent sur un rythme vif. Le metteur en scène et le dramaturge, Bernard Chartreux, mettent en valeur tout ce qui se dit. On entend la pièce avec une précision merveilleuse. La distribution est forte : Suliane Brahim est une Elvire intelligente et indépendante, le père de Don Juan est un Alain Lenglet qui a dû être aussi séduisant que son fils, mais qui est honnête homme. Tous les rôles sont parfaitement tenus et la scène des paysans est particulièrement savoureuse avec Jérémy Lopez, Julie Sicard, Jennifer Decker.

Le commandeur est intelligemment représenté, animé par un comédien (Jean-Michel Rucheton). On regrette d’autant plus la pirouette finale, qui ne sert en fait à rien. D’accord, Don Juan ne peut disparaître dans une trappe car, dans la « cabane » qu’est le théâtre Éphémère, il n’y a pas de profonds dessous de scène. Mais cette fin transformée n’est pas un détail, car elle change le sens de la pièce et donc tout le sens de la mise en scène.

Mais on peut se dire que l’on s’en moque : près de trois heures durant, on a été sous le charme de la troupe servant un chef-d’œuvre avec intelligence, joie communicative… et fidélité !

Théâtre Éphémère de la Comédie-Française (tél. 0825.10.16.80, www.comedie-francaise.fr), à 20 h 30 en soirée, à 14 heures en matinée. En alternance jusqu’au 11 novembre. Durée : 3 heures, entracte compris.

ARMELLE HÉLIOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9168