Festival d’Avignon

Un « Roi Lear » bien déconcertant

Publié le 09/07/2015
Article réservé aux abonnés
Une adaptation radicale

Une adaptation radicale
Crédit photo : CH. RAYNAUD DE LAGE/FESTIVAL D'AVIGNON

Une adaptation radicale

Une adaptation radicale
Crédit photo : CH. RAYNAUD DE LAGE/FESTIVAL D'AVIGNON

Des huées soutenues ont accueilli la première représentation du « Roi Lear » dans la cour d’Honneur du palais des Papes, le 4 juillet, à Avignon. Devant la ministre de la Culture et de la Communication Fleur Pellerin et la maire PS de la ville, la représentation a semblé flotter sur des options qui arasent tout lyrisme.

L’adaptation, tout d’abord (Actes Sud Papiers, 13 euros). Elle est volontairement sèche, radicale, et justifiée par de nombreuses notes en bas de page. Mais dans le jeu, soutenu par des micros HF, avec émetteurs collés dans le dos et fils (ce qui est d’un effet cocasse lorsque Py met à nu, littéralement, de nombreux protagonistes, Lear inclus), on n’a pas d’éclairages savants, mais seulement cette langue qui refuse tout lyrisme.

La cour est dégagée, mais ornée de hautes lettres de néons : « Ton silence est une machine de guerre » et, sur le sol, des lettres qui formeront le mot « Rien ». Le vieux roi est incarné par Philippe Girard. Dès les premières scènes, quelque chose ne prend pas. Tout flotte, tout déconcerte. Les décisions qui concernent les trois filles sont terribles : Goneril (Amira Casar) et Régane (Céline Chéenne) sont affublées de perruques blondes et de robes roses, style Barbie. Quant à Cordelia (Laura Ruiz Tamayo), c’est un petit rat de l’opéra sur la bouche de laquelle on plaque un scotch noir et elle ne prononce pas un mot…Terrible !

Le fou tire son épingle du jeu, sortant comme un diable de son armoire : Jean-Damien Barbin impose sa forte personnalité. Comme le font Jean-Marie Windling dans Gloucester et Eddie Chignara dans Kent.

Pour le reste, les comédiens semblent bien flous. Ils sont pourtant talentueux, mais ne parviennent pas à imposer leurs personnages sur un plateau trop grand pour ce qu’a voulu faire Olivier Py. Un moment, le plateau de bois est dégagé et de la tourbe apparaît. Au centre, un trou par lequel tout le monde disparaîtra.

Pour Olivier Py, la pièce annonce, par le silence de Cordélia, les désastres à venir des XXe et XXIe siècles. Les scènes de combat, avec kalachnikovs, treillis, cagoules noires, sont copiées sur les scènes les plus terribles de notre monde. Au fracas assourdissant des tirs, répond le piano de Damien Lehman, un peu incongru dans cet univers…

Bref. On mentirait si l’on ne parlait pas d’un sentiment de ratage. On comprend ce qu’a voulu Olivier Py, mais on n’est pas touché du tout, ni ému par sa vision. Le spectacle va se donner plus tard dans des théâtres fermés, et sans doute trouvera-t-il plus de cohérence.

D’autres spectacles plus convaincants

Les Polonais réunis autour de Krystian Lupa pour une adaptation magistrale de « Des arbres à abattre », de Thomas Bernhard, ont eux, enthousiasmé le public à la Fabrica (le spectacle se jouera à l’Odéon dans la saison 2015-2016). Et dans le off, quelques pépites brillent déjà et notamment « la Mate », de et par Flore Lefebvre des Noëttes, à 20 heures, au Théâtre des Halles : son enfance et sa prime adolescence, écrite et jouée de manière bouleversante.

Festival d’Avignon, jusqu’au 25 juillet, tél. 04.90.14.14.14), www.festival-avignon.com.

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du Médecin: 9427