« La Révolte », de Villiers de l’Isle-Adam

Un conte sombre

Publié le 09/04/2015
Anouk Grinberg

Anouk Grinberg
Crédit photo : P. VICTOR/ARTCOMART

C’est aux Bouffes du Nord que se donne ce moment de théâtre étrange. Une pièce qui fascine mais qui n’est pas souvent montée. Elle date de 1870. C’est la troisième pièce de Villiers de l’Isle-Adam, qui rêvait alors d’être un grand dramaturge. Elle se situe au cœur de la nuit. Une femme travaille, comme elle le fait chaque jour depuis quatre ans et demi qu’elle est mariée. Elle travaille à augmenter la fortune de son mari. Elle l’a déjà multipliée par trois. C’est une femme de tête, instruite par un père qui croit au progrès et en mesure les beautés. Elle a eu un enfant.

Éclairée par une lampe à pétrole, elle travaille. à ses côtés, son mari. Elle se nomme Élisabeth. Lui, Félix. Nuit comme les autres ? Non, soudain, on entend les bruits d’une calèche qui pénètre dans la cour. On remarque un sac de voyage. Élisabeth a décidé de s’en aller. Parce qu’elle a un amant ? Non. Elle éprouve un désir immense de liberté. Elle s’explique. Elle livre ses pensées, ses frustrations. Elle est courageuse et déterminée. On est en 1870. Il prend les coups avec morgue, d’abord, puis il comprend. Il est tellement blessé qu’il en perd conscience quelque temps.

Cet affrontement singulier est mis en scène par Marc Paquien. Le texte a été coupé. Le spectacle est bref, mais flotte un peu aux Bouffes du Nord, malgré la qualité de la réalisation : décor de Gérard Didier, avec, au fond, un lourd rideau de théâtre que l’on ne devine pas tout de suite et qui semble changer selon les lumières délicates de Dominique Bruguière.

Hervé Briaux, avec la solidité apparente d’un homme trop sûr de lui, mais qui est touché par la « scandaleuse » décision de la jeune épouse, Anouk Grinberg, avec le frémissement ultrasensible qu’on lui connaît, sont tous les deux très intéressants.

Villiers de l’Isle-Adam a écrit « la Révolte » neuf ans avant qu’Ibsen écrive « Une Maison de poupée », en 1879. Nora part et ne revient pas, Élisabeth part elle aussi. Mais où aller ? C’est toute la cruauté de ce conte sombre et déchirant.

Bouffes du Nord, du mardi au samedi à 21 heures. Durée : 1 h 20. Jusqu’au 25 avril. En tournée à la rentrée prochaine. Tél. 01.46.07.34.50, www.bouffesdunord.com.
Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du Médecin: 9402