ON EST D’AUTANT plus heureux de la parfaite réussite de cette production de la Comédie-Française, au Vieux-Colombier, que Jean Anouilh est parfois regardé de haut par certains metteurs en scène. Il est donc très important qu’un homme de théâtre qui s’intéresse aussi bien à Martin Crimp qu’à Octave Mirbeau aborde Antigone avec la loyauté que mérite l’écrivain. Ici, en effet, le premier geste est de fidélité. Marc Paquien suit les didascalies et le décor de Gérard Didier est imaginé dans l’esprit même qu’a souhaité Jean Anouilh.
Il reprend ici la grande tragédie de Sophocle. Il avait lu la pièce adolescent et en avait été très impressionné. En 1942, il présente avec André Barsacq, directeur du Théâtre de l’Atelier, une demande d’autorisation (obligatoire) à la censure allemande. Autorisation accordée. La pièce est créée le 13 février 1944. C’est un événement. Le théâtre n’est pas chauffé, un moment l’électricité est coupée : on ne joue qu’en matinée et les spectateurs portent des passe-montagne ! Il faut du culot pour montrer la petite Antigone face à son oncle Créon. Elle se révolte et veut donner une sépulture digne à son frère, ce que lui refuse le roi de Thèbes.
Anouilh a donné une forme magistrale à ce renouvellement de la tragédie. Tous les « personnages » sont en scène au début et c’est le Chœur, ici la merveilleuse Clotilde de Bayser, qui parle et explique la situation, présente les protagonistes. Le metteur en scène suit ce mouvement. La distribution est remarquable, avec, notamment, dans les rôles essentiels d’Antigone et de Créon, deux très grands interprètes. Françoise Gillard, petite et d’une finesse d’adolescent avec ses cheveux courts, son pantalon, sa chemise d’homme, est époustouflante. Elle court, elle vole, elle s’envole comme un oiseau entêtant qui tourbillonne autour du grand Créon de Bruno Raffaelli. Les scènes d’affrontement sont extraordinaires. Les timbres donnent une musique étourdissante à la tragédie. Et la manière dont le roi vacille, la manière dont il tente de sauver sa nièce, la manière, à la fin, dont Anouilh délègue au messager le récit de la mort des jeunes Antigone et Hémon, sont sublimes. Les scènes sentimentales exaltées d’Antigone et de Hémon (Nazim Boudjenah) sont également magnifiques. Fusionnelles et bouleversantes.
Chaque comédien défend avec intelligence et émotion son personnage. La nourrice de Véronique Vella, le garde de Stéphane Varupenne, le messager de Benjamin Jungers, la jolie Ismène de Marion Malenfant.
Un classique qui touche toutes les générations. Et n’oublions pas qu’Anouilh fut odieusement accusé, par la gauche alors (« l’Humanité », « les Lettres françaises »), d’être trop complaisant avec l’autorité… Il est bon de juger « sur pièces ».
Théâtre du Vieux-Colombier (tél. 01.44.39.87.00, www.comedie-francaise.fr), à 19 heures mardi, à 20 heures du mercredi au samedi, dimanche à 16 heures. Durée : 1 h 50. Jusqu’au 24 octobre.
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