« Les Nègres », par Robert Wilson

Un brillant music-hall

Publié le 09/10/2014
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Crédit photo : L. JANSCH

Théâtre

La pièce est très compliquée, car elle est fondée sur du théâtre dans le théâtre. Des dignitaires blancs (des comédiens noirs grimés) assistent à un spectacle donné par des noirs. Il s’agit du viol et du meurtre d’une femme blanche. Mais c’est hors-champ, à l’extérieur, que pendant la représentation, pendant le simulacre, un crime réel aura lieu.

Tout est difficile dans « les Nègres », car chacun des personnages est lui-même en représentation. Robert Wilson a réuni 13 comédiens qui ont beaucoup de talent. Le metteur en scène et plasticien américain a demandé à un ami musicien du Vieux Sud, Dickie Landry, une composition jazzy qu’il interprète off au saxophone et il est soutenu « live » par Logan Corea Richardson. Les costumes de Moidele Bickel, des lamés moulants pour les femmes, des costumes noirs au début, puis des couleurs très acidulées, donnent une franche apparence de music-hall à la représentation.

Wilson est fidèle à Genet, mais traduit toutes les indications à sa manière. Par exemple, la maison de torchis de la première scène est une façade à la mode de l’architecture des Dogons. C’est magnifique. Ensuite, il y a bien l’estrade, sur laquelle est juchée la fausse cour et le plan de la scène, où se joue la pièce dans la pièce, mais c’est tout le théâtre qui est un music-hall : le grand cadre doré de l’Odéon est orné d’une guirlande d’ampoules de fête, etc. Et, au fond du plateau, il y a comme un grand déploiement de fer, un ressort défait, qui est à la fois très beau et très angoissant.

Dans le rôle du meneur Archibald, Charles Wattara est formidable, comme l’est Bass Dhem, qui interprète ce personnage essentiel qu’est Diouf. Armelle Abibou, Xavier Thiam, Astrid Bayiha, Jean-Christophe Folly, Kayije Kagame..., tous se prêtent aux surlignages expressifs demandés par le metteur en scène. Regards appuyés, ruptures de ton, grimaces, hiératisme des déplacements et fièvre de la transe, tout est là, très beau. Mais la pièce résiste et l’on est ébloui et touché parfois même en perdant le fil. Un conseil : le livret remis aux spectateurs reprend par le détail le déroulement de l’action complexe. Lisez-le !

Théâtre de l’Odéon, à 20 heures du mardi au samedi, le dimanche à 15 heures. Durée : 1 h 40 ans entracte. Jusqu’au 21 novembre. Tél. 01.44.85.40.40, www.theatre-odeon.eu.

Puis en tournée à Évreux, Clermont-Ferrand, Villeurbanne, Anvers.

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du Médecin: 9355