Un art de vivre qui a du sel

« C’est un peu comme à l’hôpital : on répare des vivants », sourit le Dr Isabelle Deramond, depuis le chantier associatif Ty Plates, amarré sur le sentier littoral de Larmor Baden. Tous les samedis, elle rejoint la joyeuse bande de bénévoles qui restaurent ces embarcations traditionnelles, historiquement outils de travail des ostréiculteurs. Une sympathique ambiance un rien masculine, qui lui rappelle les débuts de sa carrière médicale ; une dextérité instrumentale, qui n’est pas sans évoquer la chirurgie orthopédique pratiquée par son père ; l’occasion de naviguer en équipe, pour pêcher ou aller s’échouer sur une des nombreuses plages qui ourlent ces 12 000 hectares maritimes émaillés de 42 îles…

« Le golfe du Morbihan est une petite perle patrimoniale », dit le médecin généraliste, qui exerce près de Vannes et tire des bords résidentiels jusqu’à l’île aux Moines. La semaine de l’Ascension, elle en prendra à nouveau la mesure toutes voiles dehors, à bord d’une des dix flottilles agréées par la 9^e Semaine du Golfe. Événement nautique autant que fête populaire, ce rendez-vous biennal fait converger plus de mille bateaux aux horizons larges. Voiles latines, traînières basques, curraghs irlandais, baleinières ou yachts, ils multiplieront les escales au gré des quais et côtes des 17 communes partenaires, rehaussant la magie de cette « mer fermée ».

D’emblée, celle-ci hypnotise par ses courants qui strient les flots, à l’instar de l’impressionnante passe de la Jument. Avec 400 millions de mètres cubes d’eau s’engouffrant et refluant toutes les douze heures par une ouverture de 900 mètres seulement, il faut être bon marin pour jouer de cette force marémotrice, parmi les plus fortes d’Europe. Selon les heures et ses havres grandeur nature, le golfe se double d’un terrain de jeu inégalé, en stand up paddle notamment, bien plus facile à équilibrer loin des vagues océanes…

Une mer nourricière

Avec son écosystème singulier, ce terroir se révèle aussi délicieusement nourricier. Alors que les parcs à huîtres s’ouvrent à la dégustation dans des guinguettes les pieds dans l’eau, comme la Belle d'Ilur, à Séné, le marché approvisionne des menus du jour, dans toutes les catégories. Cap sur Auray pour découvrir l’étoilé de l’année, le bien nommé Terre Mer. Parmi les Bib Gourmands* 2017, Vannes affiche deux tables, l’Annexe et la Tête en l’Air.

Pour un coucher de soleil au ras de flots, on peut tirer un bord jusqu’à Saint-Gildas de Rhuys et se régaler au Vert d’O. Près de Sarzeau, c’est une ambiance plus campagnarde dont gratifie le Kerstéphanie, jusque dans une assiette du jour possiblement végétarienne. « La presqu’île de Rhuys est une terre de maraichage », se réjouit Arnaud Domette, aux fourneaux de cette ferme rénovée.

Ce n’est pas le seul trésor de cet avant-pont terrestre, qui ferme le golfe au sud. Pendant qu’une paludière venue de Guérande remet en état les marais de Lasné et promet une première récolte de sel cet été, Marie-Gabrielle Capodano cultive une spiruline 100% marine dans sa nurserie de la pointe de Bénance. Client pilote pour développer les potentialités de cette algue, l’hôtel thalasso Le Miramar La Cigale confirme les vertus de cet or vert, cosmétiques comme nutritionnelles ; ancré au port du Crouesty, ce lumineux « paquebot de la forme » mérite plus que jamais son surnom.

Quelques encablures vers Séné et l’iode parfume le premier et seul safran breton, adoubé par les plus grands. Sur l’île d’Arz, une des deux îles habitées avec l’île aux Moines, c’est une spécialité laitière AOP, concoctée sur place par des fermiers bio, qui requinque après une randonnée jusqu’au moulin à marée… D’un bord à l’autre, l’immersion balnéaire gratifie d’une bonne pêche, tous azimuts.

* Restaurants distingués par le Michelin pour leur bon rapport qualité-prix