UN ESPACE immense. Un hôtel, avec son escalier, ses ascenseurs de bois, ses baies vitrées immenses qui donnent sur la mer au loin (décor Gilles Taschet). On verra la servante Martha (la fine Delphine Chuillot), seul personnage à s’activer, dans cette maison, allumer de petites lampes sur les tables de la salle à manger. Mais aucun client ne sera jamais visible…
Il s’agit d’un huis-clos terrible qui fait penser, pour la violence des sentiments, haine comme amour, qui déchirent les protagonistes, au « Long voyage vers la nuit » de l’Américain Eugène O’Neill, que le Suédois Lars Noren a d’ailleurs traduit.
Il y a le fils aîné, raisonnable mais sourdement déprimé lui aussi, Ingemar (Nicolas Pirson). Il y a le plus jeune, de retour après une longue absence. Il vient de voir publié son premier recueil de poèmes. John (Alban Guyon) est nerveux, agressif, autodestructeur, dans la souffrance. C’est un peu Noren lui-même, qui admet que cette pièce est la plus autobiographique de toutes celles que l’on connaît.
Dans la partition de la mère, Lena, une femme jeune et séduisante encore, mais qui est condamnée par un cancer et n’a plus que trois mois à vivre, Christiane Millet. Sobre et frémissante, la comédienne est superbe. Quant au père, Ernst (Jean-Pierre Darroussin), il est vaincu et a sombré dans l’alcool. Quel grand art sans effet aucun, quel intelligence de l’intimité de cet homme las, voûté, trainant les pieds, comme battu et doux, et tendre pourtant… Une superbe incarnation de Darroussin.
Jean-Louis Martinelli, qui monte pour la quatrième fois une pièce de l’auteur de « Catégorie 3.1 », a dû couper dans l’abondante matière. Le spectacle demeure un peu long. Mais il y a là une force d’interprétation qui force le respect.
Théâtre de Nanterre-Amandiers (tél. 01.46.14.70.00, www.nanterre-amandiers.com), à 20 heures du mardi au samedi, sauf jeudi à 19 h 30, et à 15 h 30 le dimanche . Durée : 1 h 50, entracte, 1 heure. Jusqu’au 23 février. Texte publié par L’Arche.
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