Contraintes budgétaires, difficultés à se déplacer, inconfort du logement... Les personnes défavorisées sont confrontées à des conditions de vie difficiles pouvant expliquer que celles-ci délaissent les fruits et légumes, plus souvent que les classes moyennes et aisées. Sources chères de calories, ces aliments peuvent aussi poser problème en termes d'accès physique, de stockage et de transformation. Ils induisent un risque de gaspillage que les personnes en situation de précarité ne peuvent pas se permettre.
Dans ces conditions, les chercheurs de l'Inra et d'Aix-Marseille Université ont mené une enquête pluridisciplinaire (1), alliant agronomie, nutrition et sociologie, auprès de 21 femmes ayant environ 50 ans, en moyenne et ayant accès à une parcelle dans des jardins potagers associatifs (de 20 à 30 m2) implantés en pied d'immeuble HLM, dans les quartiers défavorisés du nord de Marseille. Ils ont ainsi analysé les pratiques de jardinage et les perceptions des jardinières concernant leur production et leur alimentation, dans cinq jardins et au printemps (mai, juin).
Se faire plaisir
Pendant un mois, les jardinières ont aussi listé l'ensemble des approvisionnements de leur foyer (tickets de caisse, donc, productions du jardin...). « Nous avons comparé ces approvisionnements (sur le plan nutritionnel et économique) à ceux de femmes de profil socio-économique similaire, vivant dans les mêmes quartiers, mais n'ayant pas accès aux jardins associatifs », indique Nicole Darmon, directrice de recherche à l'Inra, au sein de l'UMR Marchés, organisations, institutions et stratégies d'acteurs à Montpellier.
Les fruits et légumes des différents jardins associatifs étudiés étaient de type méditerranéens (tomates, poivrons, courgettes, patate douce, fèves, menthe...). « Sur les 21 jardinières ayant participé à l'étude, seules la moitié a rapporté à leur domicile des produits du jardin (53 g/j/personne). Ces femmes n'avaient en effet pas pour objectif de produire en quantité. Le jardinage représentait pour elles un moyen de se détendre, de profiter de la nature, de prendre plaisir à voir leurs propres cultures pousser... Jardiner était également une fierté pour ces femmes, une activité génératrice d'estime de soi », explique Nicole Darmon.
Une attention à la qualité
Les jardinières ont indiqué attacher une grande importance à la diversité et à la qualité des légumes qu'elles produisent, et déclaré éviter la consommation d'aliments traités avec des pesticides. « Nous avons constaté une différence importante entre les approvisionnements en fruits et légumes des foyers des jardinières (370 g par jour et par personne) et ceux de leurs voisines non jardinières (211 g). Aucune autre différence significative entre les approvisionnements des foyers de jardinières et de non jardinières n'a été observée pour les autres groupes d'aliments. Par ailleurs, les jardinières ont fréquenté davantage de lieux d'approvisionnements que les non jardinières. Elles ont dépensé plus pour l'alimentation, en achetant des produits 20 à 30 % plus chers que les non jardinières », affirme Nicole Darmon.
Des confirmations nécessaires
Faut-il, pour autant, penser que l'accès aux jardins associatifs pour les femmes vivant en quartier d'habitat social leur ouvre une fenêtre de réflexion sur l'alimentation ? Récolter et jardiner pourrait-il alors stimuler l'adoption de comportements d'achats bénéfiques pour la santé, et en accord avec les préconisations de santé publique ? « Outre le faible effectif enquêté, la principale limite de cette étude est son caractère transversal. Un groupe témoin constitué de femmes inscrites sur une liste d'attente pour avoir accès à une parcelle dans les mêmes jardins collectifs aurait été sous doute plus pertinent, car on aurait pu tester la spécificité de l'activité jardinage », confie Nicole Darmon.
En d'autres termes, le jardin associatif a-t-il créé un déclic chez les jardinières, ou bien avaient-elles demandé à avoir une parcelle de jardin parce qu'elles étaient déjà sensibilisées aux fruits et légumes et en achetaient en quantité importante ?
Une étude, réalisée sur trois ans, à partir de septembre 2017 dans des quartiers contrastés de Montpellier, tentera de répondre à cette question en incluant cette fois des jardiniers avant qu'ils aient accès à leur parcelle et en les comparant avec des témoins n'ayant pas accès aux jardins associatifs. « Nous souhaitons également enquêter sur le jardinage effectué sur balcons (avec installations de jardinières) quant à la consommation de fruits et légumes en zone urbaine (projet Pomelo). Nous recherchons actuellement un financement pour ce projet », indique Nicole Darmon.
(1) Martin P, Consalès JN, Scheromm P, Marchand P, Ghestem F, Darmon N. Community gardening in poor neighborhoods in France : a way to re-think food practices ? Appetite, 1er septembre 2017.
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