Théâtre
Si l’on écrit qu’il y a en Bernard-Henri Lévy une certaine candeur, on étonnera sans doute les lecteurs. Et pourtant, il y a quelque chose de cela dans cette entreprise qu’est la « pièce » de théâtre « Hôtel Europe ».
Un homme, philosophe et baroudeur, a été invité à Sarajevo pour prononcer un discours le jour de l’anniversaire de l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand le 28 juin 1914. Il a deux heures pour écrire. Enfermé dans une chambre, il se remémore sa vie, ses exploits, l’histoire du monde et de l’Europe en particulier, il ne cesse de se laisser divertir par ce qui se passe ici et là, tourne en rond, regarde par la fenêtre ou dans la chambre voisine et ne quitte à aucun moment son ordinateur à la recherche de précisions politiques, historiques, littéraires, etc.
Bernard-Henri Lévy a souhaité tout organiser, jusqu’aux avant-premières, longuement racontées dans la presse : Sarajevo, Kiev, Venise (La Fenice, s’il vous plaît), cet été. Il a choisi l’interprète et le metteur en scène.
Jacques Weber est évidemment tout à fait susceptible d’incarner ce personnage. Il a l’ampleur, la présence, le métier, la sensibilité, la personnalité. Malheureusement, aussi grand comédien soit-on, on a besoin d’être dirigé. Or, Dino Mustafic n’est absolument pas intéressé par le jeu et n’a du théâtre qu’une vision innocente. Il n’y connaît rien. Cameraman de guerre et cinéaste, il s’appuie sur ce qu’il sait faire : des images. Ou plutôt, il balance des images. Jusqu’à l’overdose. Des images qui sont banalement celles que l’orateur visionne sur son ordinateur (un Mac, évidemment), tandis qu’il se balade sur Google, va chercher du côté de Wikipedia ou des vidéos en ligne. Tout un mitraillage d’images sans cadres intéressants, les images du flux Internet. Tout ce que, paradoxalement, la pièce dénonce.
Une pièce ou plus exactement un monologue en cinq mouvements qui n’est pas dénué de force, de saveur, même d’humour. Mais il est trop long, trop chargé des souvenirs personnels de BHL. Un exemple, il y a en des dizaines de même facture : il nageait dans la piscine du Ritz lorsque Pamela Harriman, l’ambassadrice des États-Unis à Paris, fut victime d’un AVC. Il a vécu un moment étrange. Mais c’est une anecdote complaisante qui ne sert en rien l’ambitieux propos. Une défense de l’Europe, une défense de la Bosnie.
Quand on parle de candeur, on pense à la manière dont Bernard-Henri Lévy a mis dans ce texte toute son énergie et ce qu’il a de sincère en lui. Dégraissé, mis en scène plus simplement, comme une sorte de conférence exaspérée, à la Thomas Bernhard, cet « Hôtel Europe » pourrait nous saisir, nous apprendre, nous toucher. On renverra à la lecture du texte, publié avec un complément de textes brefs très intéressants, « Réflexions sur un nouvel âge sombre » (Grasset).
* Une reprise à ne pas manquer
Aux Bouffes du Nord, à voir ou à revoir, « Cet enfant », un spectacle bref, écrit par Joël Pommerat après un travail d’écoute sur le thème de la parentalité. Au commencement il y eut l’initiative d’un homme, Jean-Louis Cardi, responsable de l’action sociale de la Caisse d’allocations familiales du Calvados (CAF). Il rêvait d’un spectacle de théâtre de la parentalité, élaboré à partir de paroles recueillies. Le centre dramatique de Caen est contacté et pense à Joël Pommerat. Mais autant le travail de recueil de paroles intéresse l’homme de théâtre, autant il devine qu’il ne faut pas de paroles brutes, mais une écriture.
Et sans doute « Cet enfant » est-il un texte d’une écriture très rigoureuse, avec une des scènes inspirée d’Edward Bond, et d’autres concises et mises en scène comme autant d’eaux-fortes dans des lumières fascinantes d’Éric Soyer.
Au fond, un écran translucide derrière lequel, pense-t-on, il y a cinq musiciens dont on devine les silhouettes, une blancheur qui s’irise de couleurs. Cela commence par une variation sur « Une chanson douce » ; une des comédiennes la fredonnera vers la fin avant une dernière intervention des musiciens sous la direction d’Antoin Leymarie.
Le spectacle est ici repris après 2006. Il atteint une forme d’une sûreté de trait magistrale et les comédiens, Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Lionel Codino, Ruth Olaizola, Jean-Claude Perrin, Marie Piemontese, sont remarquables.
Cela dit le désarroi, la cruauté, l’amour. Cela dit la peur, l’espérance. C’est d’une force qui remue.
« Hôtel Europe » : Théâtre de l’Atelier, à 20 h 30 du mardi au samedi, le dimanche à 15 h 30. Durée : 1 h 50 sans entracte. Jusqu’au 3 janvier. Tél. 01.46.06.49.24, www.theatre-atelier.com.
« Cet enfant «» : Théâtre des Bouffes du Nord, du mardi au samedi à 20 h 30, samedi à 16 heures. Durée : 1 h 10. Jusqu’au 27 septembre. Tél. 01.46.07.34.50, www.bouffesdunord.com.
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