Cinéma
Deux fois palmés (« Rosetta » en 1999 et « l’Enfant » en 2005), Jean-Pierre et Luc Dardenne ont plus que jamais, dans « Deux jours, une nuit » cette rare faculté de susciter une totale empathie pour leurs personnages, aussi éloignés qu’en soient les spectateurs, socialement et psychologiquement. Au bout de dix minutes de film, on oublie Marion Cotillard pour ne plus voir que Sandra et partager ses angoisses. Sortant d’une dépression, voudra-t-elle et saura-t-elle, en un week-end, convaincre ses collègues de renoncer à une prime, pour eux conséquente, pour qu’elle puisse garder son travail ? Le suspense est réel tandis qu’elle cherche à les rencontrer un à un, soutenue par son mari (Fabrizio Rongione). Autant de personnes, autant de situations difficiles : à travers ces ouvriers, les Dardenne brossent un portrait social aussi réaliste qu’émouvant. Ils ne font pas un cinéma d’images, difficile donc de comparer avec les autres films en compétition, mais un cinéma du combat individuel. On ne peut qu’être touché et applaudir, sans se risquer à un pronostic quant au palmarès.
On est en tout cas bien loin d’Hollywood et de ses stars. Un film sur le sujet qui se retrouve au festival, quoi de moins surprenant ? Évidemment, quand c’est David Cronenberg qui est aux manettes (d’après un scénario de Bruce Wagner), on peut s’attendre à ce que ce soit un peu tordu. Mais « Maps to the Stars » l’est à peine plus que certaines vieilles bobines de l’âge d’or. C’est pourquoi on n’est guère étonné de ce tableau d’un milieu incestueux où chacun est prêt aux pires infamies pour rester dans la lumière et où la plus innocente est la plus dangereuse. Julianne Moore n’est pas à la fête, non plus que John Cusack, qui font peine à voir. Mia Wasikowska est presque touchante, tout comme le jeune Evan Bird, tandis que la star Robert Pattinson a un rôle quasi secondaire. À quoi bon tout cela ?
Deux films américains sont en compétition. « The Homesman », de Tommy Lee Jones, est, quoi qu’en dise l’acteur cinéaste un western classique. De bonne facture, certes, et avec un angle original, puisqu’il s’agit de raconter comment une courageuse pionnière traverse le désert pour ramener à leurs familles trois femmes rendues folles par les dures conditions de vie de l’Ouest. Une femme tout de même accompagnée d’un homme, un escroc qu’elle sauve de la pendaison, joué par Tommy Lee Jones, qui tire quelque peu la couverture à lui, aux dépens de l’impeccable Hilary Swank.
Riches et pauvres
Plus original apparaît « Foxcatcher », inspiré à Bennett Miller (réalisateur du « Truman Capote » incarné par Philip Seymour Hoffman) par l’histoire du milliardaire John E. du Pont et des champions de lutte qu’il avait pris sous son aile. Steve Carell est étonnant dans le rôle du premier, tandis que Channing Tatum et Mark Ruffalo se sont efficacement initiés à la lutte gréco-romaine. La mise en scène, ample et lyrique quand il le faut, donne sa chance à chacun sans laisser deviner ce qui va se jouer. Le film ne devrait sortir qu’en novembre, dans une stratégie étudiée par rapport aux oscars. Il aurait sa place au palmarès.
Premier représentant de la France, le « Saint Laurent » de Bertrand Bonello joué par Gaspard Ulliel ne démérite pas. Le réalisateur, ici moins sulfureux qu’on l’attendait, a choisi d’évoquer la décennie 1967-1976, celle des grandes créations et de la conquête de la marque YSL, celle des folles nuits et des addictions. Le film est plutôt sage mais donne à voir un homme que deux biographies filmées n’ont pas fini de dévoiler. Sortie le 1er octobre.
L’une des bonnes surprises du festival est venue de l’Italie, avec « les Merveilles », d’Alice Rohrwacher, 32 ans. La cinéaste, dont c’est le 2e film, nous entraîne dans sa région natale, dans la campagne entre l’Ombrie, le Latium et la Toscane. On suit la fille aînée d’une famille marginale, qui vit quasiment en autarcie. L’ adolescente, nommée Gelsomina, aime la vie qu’elle mène, à récolter le miel avec son père, mais est aussi attirée par une existence moins rude et par les merveilles que promet une émission de téléréalité dont la belle présentatrice n’est autre que Monica Bellucci. Le film évoque ainsi avec grâce, chaleur et sensibilité, pêle-mêle, l’adolescence, la destruction des paysages, les idéaux du retour à la nature, les illusions du luxe et des images...
Autre jeune cinéaste, l’Argentin Damian Szifron, 38 ans, a l’immense mérite d’avoir fait rire les festivaliers avec ses « Nouveaux Sauvages ». Des sketches qui montrent comment des gens ordinaires, comme vous et moi, peuvent basculer dans la barbarie. Pour une voiture enlevée, un geste de défi ou une invitée qui n’est pas bienvenue à un mariage... Le garçon a de l’imagination et du talent, c’est son 3e film, on le verra en France à partir du 17 septembre.
Beaucoup de festivaliers ont apprécié « Winter Sleep », du Turc Nuri Bilge Ceylan, malgré ses trois heures et quelques et ses dialogues qui n’en finissent pas. Dans les paysages enneigés de l’Anatolie des cheminées de fée, un comédien à la retraite tient un hôtel, se dispute avec sa femme, avec sa sœur, avec les locataires pauvres qui ne peuvent pas le payer. On pense au Bergman de « Scènes de la vie conjugale », on s’ennuie un peu et puis on prend le rythme. À l’arrivée, on ne sait pas vraiment si on a aimé ou pas (sortie le 13 août).
Que dire enfin de « Welcome to New York » d’Abel Ferrara, qui a beaucoup fait parler de lui mais n’était pas en compétition, ni même dans la sélection officielle. Juste quelques mots : mauvais film, mauvaise action, mauvais Depardieu, pauvre Jacqueline Bisset !
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