« Agua, si. Oro, no ! » Entre deux publicités pour des spécialités laitières, fléchant in situ de savoureuses échoppes coopératives, la protestation enguirlande les murs de la jolie cité coloniale, quand elle ne grave sa révolte dans la roche environnante. Car si l’agriculture est reine à Cajamarca, nichée à 2 750 m dans une vallée fertile, les gisements en or de la région excitent, depuis toujours les convoitises étrangères.
Aujourd’hui, c’est un consortium américain qui menace l’écosystème et le développement local, à coups de barrage asséchant les sols, puis d’une exploitation polluant les cours d’eau. Comment croire à ses promesses alors que la plus grande mine d’Amérique du Sud, exploitée non loin depuis 1993, a paupérisé la population paysanne ? Le 16 novembre 1532, la tromperie vint du Royaume d’Espagne, personnifié par Francisco Pizarro. C’est ici, à un bond d’avion depuis Lima – à moins de caracoler pendant 16 heures de bus jusqu’à ces hautes terres andines – qu’eut lieu ce guet-apens historique. Face à l’église San Francisco, entre une ronde de chapeaux de paille costumés et de moto taxis pétaradants, on visite encore la « chambre de la rançon ». Atahualpa eut beau la remplir une fois d’or et deux fois d’argent pour gagner sa liberté, il fut exécuté et son empire décimé.
Restent des vestiges fascinants, qui ne sont pas l’apanage des Incas. Non seulement la plus fameuse civilisation d’Amérique du Sud n’a duré que trois siècles, mais elle a assimilé d’autres peuples et leurs cultures. Dès l’orée de Cajamarca, le site de Cumbemayo témoigne ainsi d’une ingéniosité hydraulique datant de 3 000 ans. Est-ce ce canal de 9 km, coudé pour réguler le débit jusqu’au Pacifique ? Le travail de la nature, campant de magnifiques concrétions volcaniques ? L’escorte improvisée d’une bergère, dont la jupe plissée virevolte sur un tapis d’ichu rêche et jaune comme la paille ? Ou l’altitude, soit 3 600 m dardant les rayons du soleil ? Cette excursion inaugurale laisse le souffle court !
À la rencontre du « peuple des brumes »
Plein nord, après un zigzag en bus aussi panoramique que vertigineux, le pays des Chachapoyas démultiplie le terrain de jeu. Dans ces montagnes amazoniennes où s’épanouit la forêt, le « peuple des brumes » a laissé son empreinte, à commencer par ses rites funéraires. Grâce à un écosystème humide, à l’abri de caveaux troglodytes, les momies se conservaient même sans éviscération. En atteste une impressionnante collection de défunts en position fœtale exposée au musée de Leymebamba. Quant aux nécropoles, aujourd’hui pillées, celle de Revash suspend ses niches à un sentier en balcon, au départ de San Bartolo. En avant pour l’aventure, à pied cette fois !
En attendant les muletiers, bivouac oblige, on tricote de sympathiques conversations sur le seuil de maisons en torchis. Concert d’oiseaux au crépuscule, paysans sarclant à l’ancienne, enfants sur le chemin de l’école, perroquets verts, cavalier jouant de la machette dans les broméliacées… Loin des sentiers battus par les randonneurs, ces parenthèses enchantées se renouvellent trois jours durant, d’une pente douce à un acrobatique passage à gué, jusqu’à une ultime ascension dopée aux feuilles de coca.
La forteresse de Kuelap, dressée sur un à pic de 3 000 m, relève d’une apparition. Derrière les murailles hautes de 20 m et longues de 600 m, les quelque 450 habitations circulaires sont cependant aussi réelles que mystérieuses. Comment des hommes ont-ils pu vivre sur ce toit du monde, connu de quelques autochtones jusqu’en 1843 et étudié à partir des années 1930 seulement ? Quel privilège de jouer les Indiana Jones – avant qu’un téléphérique ne vienne dénaturer ce site archéologique, d’ici un ou deux ans !
Côté Pacifique, la vague Moche
Encore envie de crapahuter ? Charmante petite ville coloniale, Chachapoyas met sur le chemin, une heure plus loin, de la cascade de Gota : soit la troisième plus haute chute d’eau du monde, dans un amphithéâtre de biodiversité.
Pour surfer sur d’autres cultures pré-Incas, cap sur la côte Pacifique. De Chiclayo, réputée pour son riz au canard comme son ceviche (marinade de fruits de mer), à Trujillo, ville haute en couleurs jusque sur ses façades, les plus grands joailliers et céramistes du Pérou ont multiplié les legs. Parures en or, sceptres cérémoniaux, animaux domestiques : parce que les chefs Moche étaient enterrés avec toutes leurs possessions, le musée des Tombes royales est un livre ouvert sur cette autre civilisation pré-Inca. On lui doit aussi les temples du Soleil et de la Lune, encore décorés de fresques polychromes sur leurs murs d’adobe. Édifiée avec cette même technique constructive, proche de l’argile, la citadelle Chan Chan, elle, ravive l’empire Chimu. Il fut assimilé par les Incas ; reste sa capitale, adoubée patrimoine mondial de l’humanité.
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série