Lao Chai, à l’extrême nord du pays. Le minibus s’arrête dans ce village hmong situé au pied de montagnes brumeuses et une nuée de femmes en habits traditionnels se précipite pour vendre son artisanat. Cette région isolée, proche de la frontière chinoise et peuplée de minorités ethniques, n’est pas envahie de visiteurs. C’est un peu le paradoxe du Vietnam, pays aux 3 260 km de côtes. Au sud et au centre, Ho-Chi-Minh-Ville (l’ex Saïgon) et le delta du Mékong, comme la balnéaire Da Nang et la royale Hué, aimantent les touristes. Du coup, ils délaissent un peu Hanoï et les provinces septentrionales, pourtant solides piliers de l’identité vietnamienne.
Les choses pourraient changer. Sous l’impulsion d’un État communiste qui ouvre depuis vingt ans les portes de son économie, le Nord s’équipe. Symbole : l’hôtel Lotte, à Hanoï. Avec sa tour flambant neuve de 267 m, l’établissement cinq étoiles est devenu the place to be de la capitale. Depuis les chambres, les clients découvrent une ville de 3,5 millions d’habitants, piquée de tours blanches autour de lacs urbains et de maisons étroites à étages. Cette montée en gamme accompagne l’ouverture, en ce début d’année, du nouveau terminal international de l’aéroport.
Vestiges coloniaux.
Le contraste est saisissant entre ce luxe récent et l’effervescence d’une ville ultrapopulaire. Entre les vendeuses à chapeaux coniques, palanche sur l’épaule, et les hommes coiffés de casques verts des soldats Viet Minh, pétarade un trafic de scooters infernal. Dans le vieux quartier des corporations et au grand marché de Dông Xuan, la densité de population est invraisemblable, sous les odeurs d’épices, de viandes grillées et de fruits tropicaux. Hanoï est-elle si austère qu’on le dit ? Pas sûr, même si la vie nocturne est plus limitée qu’à Ho-Chi-Minh-Ville. La clientèle française ne pourra manquer d’apprécier ici les vestiges coloniaux, rappel de notre présence en Indochine : les vieilles demeures aux façades décaties ; l’Opéra (1911), inspiré du palais Garnier ; l’ancien palais du gouverneur, devenu celui de « l’oncle Hô », qui repose dans un mausolée voisin ; la cathédrale Saint-Joseph (1886) ; le vénérable pont métallique Doumer, sur le fleuve Rouge, qui supporte piétons, deux roues et trains depuis 1902.
Dans les montagnes
Le train, justement. En 8-9 heures d’équipée nocturne, ses wagons-lits 1ere classe (confortables, mais au bruit assommant), transportent d’Hanoï jusqu’à Lao Chai, à la frontière chinoise. Le matin, le long de voies bordées de rizières, des ouvriers du rail travaillent ou fument le Diêu cày, longue pipe en bois typique du Nord-Vietnam. Nous sommes au cœur du pays des minorités ethniques, des peuples qui vivent ici depuis des siècles. Dans une brume poisseuse, la route grimpe jusqu’à la ville de Sapa, à 1 650 m d’altitude. Sous ce climat réputé difficile s’abritent les villages des Hmongs, Dzaos, Thaïs, Giâys… Autant d’ethnies que l’on apprend à reconnaître à leurs somptueux costumes, jupes noires pour les femmes Hmongs, foulards de tête rouges et larges pour les Dzaos… Leurs conditions de vie sont rudes. Mais la traversée à pied des hameaux est une expérience d’une grande richesse. Entre les sourires des habitants, le spectacle des terrasses cultivées, les buffles gris et les maisons en bois, l’Asie rurale étreint.
Une autre Asie apparaît deux heures au sud d’Hanoï, dans les derniers bras du delta du fleuve Rouge. Jumelle de la célèbre baie d’Along et de ses pains de sucre calcaires, un secteur aussi beau et moins fréquenté a le vent en poupe. Dans la province de Ninh Binh, le site de Trang An livre un paysage surprenant de falaises, pitons calcaires et grottes karstiques. Au point que l’on en parle – ainsi que des sites voisins de Tan Côc et d’Hoa Lu – comme d’une « baie d’Along terrestre ». En barque, on est conduit dans un dédale d’eau, de galeries souterraines et de faux lacs, bordés de temples et de pagodes. Tellement beau que l’Unesco l’a ajouté en 2014 à la liste de son patrimoine mondial. Une raison de plus d’aller explorer le Nord-Vietnam.
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