Le 14 juin 1941, sur ordre de Staline, des dizaines de milliers d’habitants des pays baltes sont déportés vers la Sibérie. Parmi eux, une jeune Estonienne, Erna, sa petite fille et son mari, dont elle sera vite séparée. Elle va lui écrire pendant quinze ans, avec toujours l’espoir de le retrouver, lui racontant ce qu’elle vit, la peur, la faim, la solitude, et pire encore. Ces lettres, le jeune cinéaste estonien Martti Helde (il a 27 ans, il en avait 23 quand il a commencé à travailleur sur « Crosswind ») les a trouvées quand il est parti à la recherche de documents et des rares témoins encore vivants. Il voulait qu’il reste une trace visible de ces tragiques événements alors qu’il n’y a ni photo, ni film sur les camps de Sibérie, les Russes ne faisant pas d’archives.
Pas question cependant pour Martti Helde de se livrer à une lourde reconstitution. Pour Erna, explique-t-il, le temps s’est arrêté en Sibérie. Et puisque le temps s’est arrêté, « personne ne bouge, sauf la caméra ». Une idée risquée, mise en œuvre, en noir et blanc, avec une étonnante virtuosité. Il n’y a pas de dialogues, dans « Crosswind », juste le texte des lettres d’Erna et une musique et des sons illustratifs. Pas d’action, mais une caméra qui virevolte au milieu des hommes, femmes, enfants figés dans leurs gestes mais ô combien expressifs, dans les trains qui les emportent loin de chez eux, dans la misère des camps, dans la douleur du travail forcé. Le spectateur doit certes faire un effort, « il est prisonnier de chaque plan comme Erna est prisonnière de la forêt en Sibérie ». Mais comment nier la force, et la beauté, de ce qu’il voit ?
Le 7 mars 1965, il y a tout juste 50 ans, à Selma, dans l’Alabama, la police réprime très violemment la marche pour les droits civiques des Noirs. « Selma », film d’Ava DuVernay, retrace cette période du combat de Martin Luther King (David Oyelowo) sans en faire un héros tout d’une pièce, sans négliger tous ceux qui ont joué un rôle dans cet épisode, jusqu’à Lyndon Johnson (Tom Wilkinson). Le scénario s’appuie sur les rapports du FBI, qui, micros cachés à l’appui, surveillait les moindres faits et gestes du leader noir. La réalisatrice afro-américaine, elle-même originaire de la région de Selma, avait donc beaucoup de matière et a parfois, surtout au début, la caméra un peu lourde. Mais elle ne manque pas de talent, de courage et de virtuosité pour filmer les scènes de foule, et d’un certain lyrisme. Une page d’histoire émouvante.
Et aussi sur les écrans
Dans une semaine riche en nouveaux films, on notera plus particulièrement trois d’entre eux. Avec « le Dernier Coup de marteau », Alix Delaporte (« Angèle et Tony ») retrouve Clotilde Hesme et Gregory Gadebois pour raconter l’histoire d’un garçon de 13 ans qui fait la connaissance de son père. « The Voices », film américain de Marjane Satrapi avec Ryan Reynolds, met en scène, entre comédie, horreur et drame, un homme qui parle avec son chien et son chat. « De l’autre côté de la porte », du Britannique Laurence Thrush, se penche sur le phénomène japonais des hikikomoris, ces adolescents qui se cloîtrent dans leur chambre et refusent tout contact avec l’extérieur ; on suit en noir et blanc, au plus près, un garçon qui va rester enfermé pendant deux ans et les efforts de sa famille, sa mère principalement, pour que la porte s’ouvre.
Et aussi des récits tirés du réel : « À tout jamais », le combat d’un homme atteint de sclérose en plaques pour la reconnaissance en Belgique de l’euthanasie, droit dont il fera usage une semaine après l’entrée en vigueur de la loi ; « White Shadow », sur la persécution des albinos en Tanzanie, jusqu’au meurtre. Et un documentaire : « À la folie », de Wang Bing, qui se situe dans un hôpital psychiatrique en Chine. Et encore : Liam Neeson en action dans « Night Run » ; des expérimentations à faire frémir dans « Lazarus Effect ».
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