Cette semaine, c’est à Villeurbanne qu’avait lieu l’événement : la création d’une pièce de Michel Vinaver, l’écrivain dont Camus fit publier les romans, « Lataume » en 1950, « l’Objecteur » en 1953, auteur en prise avec le réel dès ses débuts avec « les Coréens », sur la guerre de Corée, en 1955, et qui depuis n’a jamais cessé d’écrire, entrant même au répertoire de la Comédie-Française avec « l’Ordinaire ».
Lecteur passionné de la presse écrite, Michel Vinaver s’est intéressé à l’affaire Bettencourt. Il s’est documenté et, sans revenir à ses notes et coupures de presse, a rédigé « Bettencourt Boulevard - Une histoire de France ». Le sous-titre est très important : s’il s’agit aussi d’une « histoire de France », c’est que l’écrivain est remonté aux sources de l’affaire. Il fait paraître Eugène Schueller, le fondateur de L’Oréal, le père de Liliane, inventeur et homme d’affaires, financier de la Cagoule, groupe d’extrême-droite très actif dans les années 1930-1940, et le rabbin Robert Meyers, homme de paix, déporté et mort à Auschwitz en 1943. Françoise, la fille de Liliane Bettencourt, porte le nom de son mari, petit-fils de Robert Meyers. C’est une historienne érudite qui a composé des ouvrages de référence, notamment sur la mythologie grecque. Tout ce passé insiste dans la pièce, composée en « trente morceaux », sans aucune ponctuation, avec des strophes, des personnages qui portent le nom des protagonistes de l’affaire, un chroniqueur-narrateur. Autant dire que le texte – publié en septembre 2014 et qui ne prend donc pas en compte les dernières péripéties et procès – est très difficile à mettre en scène.
Comédie et tragédie
Christian Schiaretti a trouvé des solutions très efficaces et jubilatoires. Un espace scénique astucieux de fauteuils disséminés sur un vaste plateau, surmonté de quelques panneaux que les lumières transfigurent. Une distribution épatante (comme dirait Liliane Bettencourt) de grands comédiens qui savent évoquer sans imiter. Il y a dans l’affaire tous les ingrédients d’une comédie, mais aussi tous les ingrédients d’une tragédie. C’est sur ce fil que se tient la représentation. On rit beaucoup. On jubile en reconnaissant les figures de la réalité mais aussi en goûtant au talent des interprètes. Il faudrait des pages pour dire la finesse des incarnations, l’atmosphère heureuse, en rien cruelle, du spectacle. Michel Vinaver est à la fois très scrupuleux, très respectueux – et d’ailleurs, il déclare qu’il pense qu’il y a une véritable histoire d’amour, au cœur de l’affaire –, mais il est aussi taquin, espiègle, ironique, féroce.
Francine Bergé est Liliane, Didier Flamand, Banier, Christine Gagnieux, Françoise, Jérôme Deschamps, de Maistre, Elisabeth Macocco, Claire Tribout, la comptable, Clément Carabédian, le chroniqueur, Philippe Dusigne, André Bettencourt, Clément Morinière, Éric Woerth, Gaston Richard, Sarkozy, pour n’en citer que quelques-uns. Ils sont formidables et chacun – ils sont 17 – mériterait une analyse. Ils sont ressemblants, mais ils servent une langue, un univers d’écriture fascinant, musical, elliptique, efficace et poétique, insaisissable. C’est l’essence de « l’affaire ». Unique.
Reprise à La Colline du 20 janvier au 14 février, puis à la Comédie de Reims du 8 au 11 mars. Texte publié par L’Arche.
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série