Tout commence en 1533 à l'Hôtel-Dieu, que le jeune Ambroise Paré (23 ans), c'est lui qui raconte, décrit comme une « gigantesque boutique d'insalubrité et de mort », avec les malades entassés, qui geignent et hurlent de concert, et l'odeur pestilentielle. Très vite, l'aide barbier de Vitré, devenu apprenti chirurgien, découvre l'incompétence de ses maîtres et sa relative impuissance, d'autant qu'il y a une épidémie de peste, faute de connaissances anatomiques suffisantes. Une seule solution, les dissections de cadavres qu'on ira voler dans les cimetières.
La longue vie d'Ambroise Paré (il meurt à 80 ans en 1590), chirurgien des rois (Henri II, puis ses fils), sera ainsi marquée par l'inaltérable volonté de savoir et de soigner, sans souci des traditions, des convenances, des « latinistes aigris de la faculté », de la cabale des apothicaires ou des intrigues de cour. Celui qu'on considère comme le père de la chirurgie moderne survivra à l'Inquisition (au contraire de son ami Michel Servet, brûlé à Genève), aux épidémies, aux campagnes militaires, à l'enlèvement, aux guerres de religion…
Lui-même chirurgien, Daniel Picard sait tout de la vie d'Ambroise Paré, jusqu'au temps qu'il faisait tel jour de bataille ou de fête. En passant, bien sûr, par les amputations, trépanations, techniques chirurgicales et médications de l'époque. Le livre, riche en dialogues, fourmille de détails, médicaux et autres, et nous fait rencontrer une foultitude de personnages célèbres (outre les rois et les princes, Vésale, Rabelais, « médecin pétillant d'intelligence et d'entrain », du Bellay, Montaigne, Bernard Palissy…). Nous saurons tout aussi des amours d'Ambroise, encore que, dans l'avant-propos que l'auteur attribue à son sujet, ce dernier précise qu'« il y a certaines actions plutôt grivoises qu'en mon âme et conscience je n'aurai jamais osé commettre » (quid de sa relation avec la reine Margot, avec laquelle il n'oublie pas de mettre en place son « petit fourreau de soie » pour se protéger de la vérole ?).
Un jour de 1574, Ambroise est au chevet de Charles IX, qu'il ne pourra sauver : « Dites, Paré, avez-vous l'intention de soigner mieux votre roi que les pauvres de votre hôpital ? – Non Sire, cela m'est impossible. – Et pourquoi donc ? – Parce que je les soigne déjà comme des rois ! » Daniel Picard admire manifestement son héros et, au sortir de ce livre, on ne saurait faire autrement.
Éditions Parole, 416 p., 23 €
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