BRAÇE KRSMANOVIÇ, quartier de Savamala, un vendredi soir. Dans cette rue sombre du bas Belgrade, bordée d’entrepôts à l’agonie, les bars interlopes battent un bitume mal dégrossi. L’endroit est séparé de la rivière Sava par une voie ferrée désaffectée. L’ambiance est blafarde, mais derrière les enseignes underground, la jeunesse serbe, serrée au comptoir ou sur une terrasse au-dessus de la Sava, s’éclate sur fond de musique électro.
La rue est à un jet de canette de Mikser House, un concept-store réaménagé ce printemps en espace culturel. On y dîne et boit sous une charpente industrielle, après un concert de rock ou une projection d’avant-garde, au milieu des créations des designers serbes. Comme les anciens docks de Beton Hala, transformés en restaurants et bars-discothèques branchés, Savamala témoigne de la movida qui anime la capitale serbe.
Bridée sous le régime de Tito, montrée du doigt pendant le conflit yougoslave et désormais pour ses trafics en tous genres, Belgrade a soif d’émancipation et l’exprime à travers sa jeunesse et une création artistique débridée. On évoque parfois à son sujet un « Barcelone de l’Est ». Le parallèle est excessif et « Berlin des Balkans » sonne sans doute plus juste, tant les événements (Mikser Festival, World Design Festival…) et les initiatives alternatives ressemblent beaucoup à celles de la capitale allemande après la chute du Mur. La ville plaira donc à un public avide de tendances, version Europe de l’Est. Une virée le soir sur Knez Mihailova (poumon piétonnier de la ville), place de la République ou dans le parc des Étudiants, suffit pour sentir, au milieu des bars-terrasses et des animations de rue, bouillir la sève belgradoise.
Le romantisme du Danube.
Pour le reste, la ville oscille entre patrimoine Art Nouveau et Déco et symboles socialistes décatis. Pas de quoi fouetter un chat des Balkans, comparé à Prague ou à Budapest. D’autant que, à part le musée d’Histoire du pays, les deux autres espaces d’exposition majeurs (Musée national, musée d’Art contemporain) sont fermés, pour cause de rénovation au long cours.
Les architectes amateurs n’auront toutefois pas de peine à trouver leur bonheur dans le look socialiste des ministères ou des immeubles « progressistes » de Novi Beograd, un quartier résidentiel construit après 1945 selon les idées de Le Corbusier. Le Palais de Serbie, ancien siège du gouvernement fédéral, y trône comme le vestige d’une ex-Yougoslavie triomphante. Les contemplatifs rêveront, depuis le parc et la forteresse Kalemegdan, au romantisme du Danube, coulant placide mais puissant entre de grands îlots de verdure. Les humanistes dénicheront, au gré de balades, un marché couvert à l’atmosphère forcément populaire (Zeleni Venac, Kaleniç…), une église orthodoxe, un rare bâtiment ottoman (Princesse Ljubica Residence). Ils seront étonnés par le chantier titanesque de la cathédrale Saint-Sava, pimpante au dehors, inachevée dedans, et dont la date de « livraison » finale n’est pas encore connue. D’autres apprécieront l’atmosphère bohême de la rue Skadarlija ou le charme du quartier de Zemun, toits de tuiles et clocher à bulbes posés au bord du Danube.
En Voïvodine.
La vivacité de la scène belgradoise s’évanouit sitôt que l’on prend la route du Nord. Grande plaine danubienne, villages anonymes…, à une heure et demie de Belgrade, voici Novi Sad, capitale de la Voïvodine. Une ville multiculturelle, héritière de son passé austro-hongrois et d’une position à la croisée de l’Europe. Serbes et minorités hongroise, roumaine, ruthène et slovaque cohabitent sans heurt apparent dans cette cité (300 000 habitants) des bords de Danube, sur fond de patrimoine baroque et d’églises multiconfessionnelles, concentrés autour d’un cœur piétonnier de charme.
Rive droite, Novi Sad est dominée par la forteresse Petrovaradin. Le château, impérial, domine placidement le fleuve mais s’ébroue chaque année en juillet, pendant le célèbre festival de musique Exit, qui draine la jeunesse du vieux continent.
La plaine de Voïvodine, fertile mais monotone, est rehaussée ici et là d’autres pépites architecturales. C’est le cas de Sremski Karlovci, charmante bourgade aux beaux édifices religieux et civils du XVIIIe siècle. Symboles d’une Serbie balbutiante qui balance entre audace brouillonne et classicisme assumé.
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