« Le Mariage de Maria Braun »

L’art de Thomas Ostermeier

Publié le 25/06/2015
Berlin, années 1950

Berlin, années 1950
Crédit photo : A. DECLAIR

Die Ehe der Maria BraunNach einer Vorlage von Rainer Werner FassbinderDrehbuch: Peter MÃ...

Die Ehe der Maria BraunNach einer Vorlage von Rainer Werner FassbinderDrehbuch: Peter MÃ...

La brève vie de Rainer Werner Fassbinder (1945-1982) ne l’a pas empêché de laisser une œuvre très importante, au théâtre comme au cinéma. Souvent, ses films s’appuient sur une pièce. Ce n’est pas le cas du « Mariage de Maria Braun », tourné en 1978 avec Hanna Schygulla. Thomas Ostermeier, d’une autre génération (il est né en 1968), en a adapté le scénario.

Nous sommes à Berlin-Ouest, dans les années 1950. La ville détruite par la guerre est occupée par les Alliés ; le mur n’a pas encore été élevé. Maria (Ursina Lardi), dont le mari est porté disparu dans les combats, est entraîneuse dans un bar pour Américains. Un jour, elle tue accidentellement un de ses clients. L’époux revient et, sans qu’elle ne lui ait rien demandé, endosse le crime…

Sur un plateau encombré de sièges recouverts de tweed et fermé par des voilages clairs (à Avignon, le spectacle se donnait en extérieur), Thomas Ostermeier dirige d’une main très ferme des comédiens engagés de toutes leurs fibres dans ce parcours étrange. C’est vif, elliptique, féroce, souvent drôle malgré le fond très sombre du tableau. Tout se déroule sur ce plateau. Les comédiens se changent parfois à vue, passent d’un rôle à l’autre et même, on l’a dit, d’un sexe à l’autre. La vidéo tient un rôle essentiel. Les interprètes la manient eux-mêmes en plans rapprochés d’une terrible vérité.

Théâtralement, c’est fascinant et jubilatoire. La blonde et très belle Ursina Lardi est aussi lumineuse que mystérieuse. Elle a une très belle voix, envoûtante, et est tout à fait bouleversante. Ses camarades, Thomas Bading, Robert Beyer, Moritz Gottwald, Sebastian Schwarz, sont déliés et impressionnants.

On nous parle ici de notre monde : la fable de Maria Braun, complètement ancrée dans l’histoire de l’Allemagne, n’est pas sans écho aujourd’hui, comme le montre Ostermeier. Du grand art.

Théâtre de la Ville, jusqu’au 3 juillet. À 20 h 30 du mardi au samedi, à 15 heures le dimanche 28 juin. En langue allemande avec surtitrage. Durée : 1 h 45. Tél. 01.42.74.22.77, www.theatredelaville-paris.com.
Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du Médecin: 9423