AU PIED du mont Phousi, la « montagne merveilleuse », étonnant pain de sucre version laotienne, couronné d’un sanctuaire, s’étale Luang Prabang, gros bourg assoupi, comme posé sur un doigt de terre au confluent du Mékong et de la rivière Nam Khan. C’est ici que l’on perçoit le mieux l’âme du Laos. Dans la moiteur tropicale et les parfums enivrants des frangipaniers, la ville étale ses beaux restes coloniaux, ses monastères et ses temples.
Ici, on se laisse enivrer par l’étrange alchimie des pagodes et des sanctuaires. Et en premier lieu par le Vat Xieng Thong, « monastère de la ville du flamboyant », le plus ancien de Luang Prabang (XVIe siècle), avec sa terrasse d’où l’on peut contempler en contrebas le fleuve et, à ses côtés, le temple, avec ses toits superposés, bâtisse superbe, à mille lieux des architectures clinquantes que l’on trouve trop souvent en Asie du Sud-Est. L’intérieur abrite un superbe bouddha couché à la subtile élégance, qui impressionna fort les visiteurs de l’exposition coloniale de Paris en 1930. Le Vat Sène aux tuiles jaunes et rouges, le Vat Visoun, le Vat Aham, Le Vat May, avec ses galeries latérales et ses cinq étages de toitures : chaque temple, par son atmosphère, sa décoration ou son architecture, invite l’âme la plus racornie à la méditation.
Mélange d’architecture franco-lao, l’ancien palais royal, devenu le Musée national, rappelle de temps du protectorat français. Jadis, dans le royaume de Luang Prabang, plusieurs rois se partageaient le pouvoir. Lorsque, en 1887 Auguste Pavie, vice-consul à Luang Prabang, réussit à convaincre les autorités du Laos, occupé par les Siamois et ravagé par les pirates chinois Pavillons Noirs, des bienfaits du protectorat, la République française, soucieuse du protocole, imposa un souverain unique en la personne du roi Luang.
Outre les collections d’objets précieux ayant appartenu à la famille royale et les multiples statuettes découvertes dans les temples perdus dans la forêt, le palais recèle le fameux Phra Bang, le bouddha d’or fin auquel la ville doit son nom.
Depuis le classement de l’ancienne capitale au Patrimoine mondial de l’humanité, en 1995, de nombreux temples, maisons traditionnelles, palais de bois et vieilles demeures coloniales ont été intelligemment restaurés, apportant un côté agréablement pimpant à la petite bourgade. Remis à neuf aussi les bâtiments officiels, mairie, préfecture, bureaux de poste et casernes. Surmontés du drapeau frappé de la faucille et du marteau et ornés de portraits géants de Souphanovong, le « prince rouge », membre de l’ancienne famille royale qui fut le 1er président de la République « démocratique populaire » du Laos, les frontons de ces bâtiments affichent curieusement leurs anciens noms français, bien que la langue de Molière ait fait place depuis belle lurette à l’anglais.
Après avoir escaladé les quelque 300 marches du mont Phousi pour admirer les ultimes rayons d’un soleil déclinant sur les ors de la ville, on se dirige dès le lendemain en direction des montagnes du Nord pour découvrir un autre Laos, tout aussi passionnant que celui des plaines. En chemin, on navigue à bord d’un bateau plat sur le Mékong pour les grottes de Pak Hou, qui renferment des centaines et des centaines de statues de Bouddha plantées là en une étonnante – et un brin kitsch – série de stalagmites sacrées.
L’accès aux montagnes du nord en direction de la province d’Oudom Xay se mérite. Successions de lacets très serrés taillés dans la roche noire et les collines de latérite, l’ancienne route coloniale est pour le moins cabossée. À flanc de collines apparaissent des hameaux de petites maisons de teck récentes et uniformes issus du programme gouvernementale d’« harmonisation ethnique » destiné à intégrer les minorités. Sur les marchés en bord de route, toute la mosaïque laotienne est représentée : Yaos Miens, Khamous, Hmongs, Akkas, etc., mélangés à des Chinois et à des Vietnamiens.
Chez les habitants du ciel.
Entre rivière et montagne, le petit village de Muang La émerge à peine de la végétation. À plus de 1 000 m d’altitude, trouant les nappes de brume, le soleil descend dans les cimes. L’air se rafraîchit. Apparaît un luxuriant amphithéâtre recouvert d’une jungle en gradins se confondant avec l’horizon et où se perdent à l’infini d’autres sommets submergés par les grands arbres. C’est là que les Hmongs et Ikkos, que les Laos des plaines appellent les « habitants du ciel », vivent retirés à l’abri de ces montagnes impénétrables.
Originaires de Chine et du Tibet, ces minorités, fuyant les persécutions, se sont installées au début du XIXe siècle dans le nord du Laos, où elles ont conservé intactes leurs croyances animistes et leur mode de vie traditionnel. Cultivant les rizières en espaliers en déboisant sérieusement les collines et, à l’occasion, l’opium qu’ils utilisent pour soulager les douleurs, ils élèvent quantité d’animaux, cochons, chèvres, buffles, et aussi ces robustes petits chevaux chinois courts sur pattes excellents pour gravir les sentiers escarpés des hauteurs.
Le soir venu, on goûte à la quiétude du Muang La Resort, lieu privilégié où, sous le regard bienveillant du Bouddha séculaire qui protège la vallée, on s’immerge dans une source naturelle d’eau chaude aux mille vertus. Gagné par la douceur ambiante de ce lieu hors du temps, on contemplera le soleil couchant bercé par le bruissement des eaux de la rivière Nam Pak, avant de s’attabler sur la terrasse aux lumières incertaines, sacrifier au plaisir d’un succulent repas et profiter de l’indicible atmosphère de ce royaume du ciel.
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