SI LOIN, et pourtant si proche. C’est une terre où l’on déguste les homards à l’envi, quand on ne contemple pas la carapace bleue des protégés. C’est une terre où un homme, Richard, nous conduit au cœur des forêts nourrir les ours noirs, les mères pataudes et leurs petits craintifs, qui, à la première averse, s’élancent sur les cimes des arbres, les coiffant de leur silhouette branlante. C’est une terre de tourbières jaunes et vertes, de phares et de hautes marées, parcourue de larges autoroutes sur lesquelles filent de clinquants camions. Une terre bilingue où les mots sonnent tantôt en anglais, tantôt en vieux français, selon les villages. C’est une terre lointaine et méconnue, dont les résonances sont pourtant familières.
Le Nouveau-Brunswick est l’autre province où le français est parlé, ou plutôt chanté. Accroché à la pointe du sud-est du Canada, il regarde la Nouvelle-Écosse et l’île du Prince Édouard en chien de faïence, fier de son identité.
Coquillages et crustacés.
Il y a plusieurs raisons de découvrir le Nouveau-Brunswick. Descendre de Bathurst à Moncton en « char » permet de découvrir la côte Est, ourlée de baies qu’épouse l’océan Atlantique. Au village de Grande-Anse, le phare, au bois peint en bleu, blanc et rouge, laisse rayonner son étoile jaune, symbole de l’Acadie, sur la baie des Chaleurs. La baie doit son nom au navigateur français Jacques Cartier qui la découvrit, perdue dans la brume, en 1534. Elle recèle une faune insoupçonnée et rare, visible dans l’aquarium du Nouveau-Brunswick, à Shippagan : parmi les bernard-l’hermite et les étoiles de mer, les phoques au museau rieur et les homards bleus enchanteront le visiteur.
Quelques kilomètres plus au sud, le phare de l’île de Miscou, de bois blanc piqué du rouge des fenêtres, s’élance vers l’océan, 23 m au-dessus du golfe du Saint-Laurent. Construit en 1856, sur un promontoire, il a dû être déplacé deux fois pour fuir l’érosion !
Entre ciel et mer, les tourbières recouvrent de leur vert gras et spongieux, ponctué de lacs sombres, 45 % de l’île de Miscou. Le sous-sol, qui plonge parfois en dessous du niveau de la mer, regorge de tourbe, cette matière composée de débris de plantes qui absorbe 40 fois son volume de liquides et odeurs. Fascinantes, les tourbières attirent les oiseaux les plus rares, comme les sauvagines, les limicoles, les passereaux et les rapaces. Les tourbières s’étendent aussi plus au sud de la péninsule, dans le parc du Kouchibouguac. Les sternes et les pluviers siffleurs viennent embrasser sur le fil de l’horizon les milles phoques gris qui s’ébattent en colonies.
Autre baie, autre merveille : Fundy abrite les rochers Hopewell, auxquels le vent, la mer et les courants ont donné, lors des derniers 300 millions d’années, la forme de deux amants qui s’embrassent. Immenses le matin, pour le marcheur, les pieds caressant le sable humide, ils se transforment en modestes pots de fleur quelques heures après, lorsque la marée, étonnamment rapide (2 à 4 m en une heure), vient lécher leurs parois. Les amateurs de kayak découvriront alors les falaises sculptées par les éléments depuis la mer. Les randonneurs parcourront les sentiers sur la côte.
Au temps des Français.
Voyage entre ciel, mer et terre, le Nouveau-Brunswick est aussi une machine à remonter le temps. Samuel de Champlain serait l’un des premiers explorateurs de l’Acadie, qui signifiait alors paradis, ouvrant la voie au premier établissement français en 1604. Plus d’un siècle après, éclatèrent en Europe les guerres entre les Anglais et les Français : les premiers, victorieux, demandèrent en 1755 aux Français de prêter serment à la reine. Ceux qui refusèrent furent chassés : ce fut la « déportation », vers la Louisiane, l’Angleterre ou la France. Les autres restèrent, à travailler la terre, élever des animaux et pêcher. En 1785, Saint-Jean fut la première ville incorporée au pays, selon les Acadiens, très attachés à leur histoire.
Pour voir les siècles défiler, rien ne vaut un détour par le Village historique acadien, près de Caraquet : des Canadiens d’aujourd’hui endossent les vêtements et identité de leurs aïeux, des années 1770 jusqu’à 1949, et vivent dans des maisons déplacées des 4 coins de l’Acadie.
Le pays de la Sagouine, reconstitué à partir de l’œuvre d’Antonine Maillet (84 ans en mai, prix Goncourt pour « Pélagie la charrette ») est une autre percée dans l’histoire, sur le mode du spectacle cette fois. L’écrivain a mis sa plume francophone au service de la joie de vivre des familles pauvres pour leur construire une identité et résister à l’assimilation. Depuis le premier Congrès mondial acadien, en 1994, la préservation de la langue française à travers la fête, est devenue une tradition politique et sociale. À ne pas manquer, le 20e congrès aura lieu en août 2014 dans la région d’Edmundson, au nord-ouest.
Joie de vivre et convivialité.
Last but not Least, le Nouveau-Brunswick mérite le détour pour ses habitants généreux et accueillants, jamais avares d’anecdotes. En mai et juin, ils vous emmèneront pêcher le homard à Shediac (capitale de ce crustacé) et vous apprendront à reconnaître la femelle du mâle et à le déguster méthodiquement. Ils raconteront, sans ironie aucune, comment, lorsqu’ils étaient jeunes, ils préféraient troquer leur sandwich de homard contre un pain au poulet. Ils évoqueront de merveilleuses histoires de chasse et vous feront partager leur musique, tradition festive oblige. Les noms de Lisa Leblanc, Georges Belliveau, ou La Virée, ne vous disent peut être encore rien. Et pourtant, vous connaissez sûrement un musicien acadien : Roch Voisine ! L’Acadie, si proche, et si lointaine.
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