IL NE RESTE que cinq représentations sur les dix qui auront été à l’affiche du Studio-Théâtre de la Comédie-Française. Mais on voit mal comment ce spectacle coup-de-poing ne serait pas longuement repris. De toute manière, cinq soirs avec Denis Podalydès portant le texte si particulier et déchirant de Laurent Mauvignier, cela vaut la peine d’être signalé !
Voilà qui prouve que, en une heure à peine, une heure exceptionnellement dense, maîtrisée et en même temps bouleversante de puissance quant au sens et d’émotion quant au dévoilement qu’en fait le comédien seul en scène, le théâtre peut advenir dans son total accomplissement.
L’histoire est atroce et traduit la banalité du mal, en France, aujourd’hui. Elle date de 2009. Elle se déroule à Grenoble. Dans une grande surface, un jeune homme a pris une canette de bière, l’a dégoupillée, l’a bue. Quatre vigiles le voient, l’entraînent dans les réserves, le rouent de coups. Il meurt.
Quelques mois plus tard, alors que Laurent Mauvignier se rend chez des amis pour dîner, il lit une affichette. Il vient d’acheter ce livre de Bernard-Marie Koltès qu’il aime particulièrement et qu’il veut leur offrir, « la Nuit juste avant les forêts ». L’affichette évoque ce fait-divers. Il est saisi. Et il se met le soir même à l’écriture d’un texte dont le premier jet va être très rapide, comme une réplique immédiate, mais qu’il retravaillera de longs mois.
Ce texte est « Ce que j’appelle oubli ». Une seule phrase sur 54 pages. Pas de ponctuations autres que des virgules, quelques traits, seulement. « Et ce que le procureur a dit, c’est qu’un homme ne doit pas mourir pour si peu... »
De ce texte qui l’avait saisi lorsqu’il l’a lu, Denis Podalydès, sans autre metteur en scène que lui-même, avec pour tout soutien les lumières de Stéphanie Daniel, fait cette heure puissante. Tee-shirt à col en V rouge, pantalon gris, pieds nus sur le plateau, une jambe légèrement fléchie comme quelqu’un qui pourrait s’avancer vers vous mais a été stoppé net, bras le long du corps – ils s’animeront plus tard – il dit ce texte, crâne, face au public, sans autre mouvement que celui même de cette langue. Une « consolation » à la manière d’autrefois est ce texte, une puissante interprétation est celle que nous en offre Denis Podalydès. Voix sourde, suspendue au fil d’une pensée qui suit un mouvement très complexe (un narrateur s’adresse au frère de la victime), flux de pensées, de précisions, de faits et de commentaires. On ne perd rien de ce mouvement, on est dans l’encre même de Mauvignier.
Un texte littérairement fort, un texte politique également et qui se noue, profondément, autour de la question du frère, de la fratrie, quelque chose de très intime par-delà l’histoire du pauvre jeune homme qui avait soif d’une bonne bière.
Studio-Théâtre de la Comédie-Française au Carrousel du Louvre (tél. 0825.10.1680, www.comedie-francaise.fr), à 20 h 30. Durée : 1 heure. Jusqu’au 22 avril.
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