THEATRE - « Molly Bloom », d’après James Joyce

La grâce d’Anouk Grinberg

Publié le 05/12/2012
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SEULE au beau milieu du plateau des Bouffes-du-Nord, seule sur un lit de fer comme sur un frêle esquif, Anouk Grinberg est Molly Bloom, femme de Leopold, le héros du livre qui a révolutionné la littérature, « Ulysse », de James Joyce. Seule, mais très bien entourée. La traduction nouvelle de Tiphaine Samoyault (Gallimard) sonne bien, l’adaptation de ce chapitre, « Pénélope », par Jean Torrent, est très bonne. N’oublions pas, important, enfoui sous les draps, Leopold, qui dort après sa journée d’errance et qui est « joué » par Antoine Régent. Pas de metteur en scène, mais les regards amicaux, les conseils de Blandine Masson et Marc Paquien.

Dans les lumières délicates de Dominique Bruguière, une heure durant, Molly parle. Elle a une insomnie. Ce jour-là, elle a eu quelque bonté pour un impresario qui lui organise une tournée. Molly chante, ne l’oublions pas. Elle n’avait jamais trompé Leopold, même s’ils n’ont plus de vie sexuelle depuis bien longtemps, depuis la mort de leur fils, tout bébé, peut-être… Ils ont une grande fille, qui est partie, déjà. On suit les fluctuations d’une pensée qui vagabonde.

On est happé par l’art d’Anouk Grinberg. Sous le charme. Elle est malicieuse. Il y a de la candeur, de l’enfance dans cette ravissante Molly. On suit les pleins et les déliés sans effort. Le timbre si personnel de la comédienne séduit et elle ne donne jamais le sentiment de reprendre sa respiration pour dire ce texte sans ponctuation. C’est fin, nuancé, souvent drôle. Tout Joyce est là.

Il faut pourtant faire attention à l’intensité. Qu’au début ce soit un murmure est juste. Mais ensuite, si l’on perd des mots, on est frustré et c’est le sens qui se dissout. Il ne faut pas !

Bouffes-du-Nord (tél. 01.46.07.34.50, www.bouffesdunord.com), à 21 heures du mardi au samedi. Durée : 1 heure. Jusqu’au 15 décembre.

ARMELLE HÉLIOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9201