« Les Oubliés », de Martin Zandvliet

De la haine au pardon

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Publié le 02/03/2017
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Cinéma-Les Oubliés

Cinéma-Les Oubliés
Crédit photo : CHRISTIAN GESNAES

Avec « les Oubliés », nommé pour l'oscar du meilleur film étranger*, le Danois Martin Zandvliet se penche sur un épisode méconnu, voire censuré, de l'histoire de son pays, qu'il va jusqu'à qualifier de « crime de guerre ». De mai à octobre 1945, sur proposition des libérateurs anglais, le Danemark a utilisé des prisonniers de guerre allemands, la plupart très jeunes, pour désamorcer les 2 millions de mines placées par les nazis le long de la côte occidentale (le « mur de l'Atlantique » destiné à faire obstacle à un débarquement des Alliés). Quelque 2 600 hommes (qualifiés de « soldats ennemis s'étant rendus volontairement », pour contourner la convention de Genève de 1929 protégeant les prisonniers de guerre) ont participé à l'opération ; la moitié ont été tués ou blessés.

Dans ce beau film, le drame est incarné par une bande de jeunes garçons qui ne comprennent rien à ce qui leur arrive. Les voici, affamés et meurtris, à ramper sur la plage, risquant à chaque instant l'explosion. Ils sont sous les ordres d'un sergent danois habitué à haïr tout ce qui est allemand, mais qui va s'adoucir lorsqu'il comprend qu'il ne s'agit quasiment que d'enfants. Et que le groupe s'efface devant des individus pour chacun desquels le spectateur va trembler.

Le réalisateur joue du contraste entre la beauté du cadre – les dunes et l'horizon maritime –, filmé en de larges plans, et la tragédie qui s'y joue. Les jeunes acteurs sont impressionnants. « De la haine au pardon », selon les mots du réalisateur, un périple à suivre.

Et aussi cette semaine

L'Allemagne, encore, celle du début du siècle dernier, avec « Paula », de Christian Schwochow, sur la peintre éprise de liberté Paul Modersohn-Becker. Deux films britanniques à l'affiche : « T2 Trainspotting », de Danny Boyle, le retour des junkies écossais vingt ans après, avec les mêmes acteurs ; et « À ceux qui nous ont offensés » sur une famille de hors-la-loi, avec Michael Fassbender et Brendan Gleeson.

Des États-Unis, voici « 20th Century Women », avec Annette Bening en mère quinquagénaire qui élève seule son fils adolescent à la fin des années 1970. Et Hugh Jackman est à nouveau le superhéros Wolverine dans « Logan », de James Mangold.

Citons encore « Tramontane », de Vatche Boulghoourjian, sur un jeune chanteur aveugle à la recherche de son identité dans le Liban meurtri par les guerres civiles. Et on n'oublie surtout pas « Patients », dans lequel Grand Corps Malade (avec Mehdi Idir) raconte sa renaissance, après l'accident qui l'a laissé tétraplégique, l'humour et la musique transcendant la douleur et le handicap.

* C'est « le Client », de l'Iranien Asghar Farhadi, qui l'a emporté. Le réalisateur ne s'est pas rendu à la cérémonie, pour protester contre le décret anti-immigration de Trump.

Renée Carton

Source : Le Quotidien du médecin: 9560