Le festival de Cannes

D'autres temps forts

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Publié le 23/05/2016
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Prix du jury à 25 ans avec « Mommy », en 2014, Xavier Dolan était très attendu. Il n'a déçu ni ses admirateurs ni ses détracteurs avec son adaptation de « Juste la fin du monde », pièce de Jean-Luc Lagarce, un dramaturge mort du sida en 1995. Jugée par les uns superbe et par les autres boursouflée…

Un écrivain revient dans sa famille après douze ans d'absence, pour annoncer sa mort prochaine. La mère, le frère et son épouse, la sœur ont beaucoup de choses à lui dire, mais dans cette famille, comme dans bien d'autres, on ne parvient pas à se parler. Alors on crie, on fait des reproches ou l'on se tait. Les mots de Lagarce sont là, forts et souvent dérangeants. Et le cinéma de Dolan les enrobe et les déverse dans son lyrisme si particulier – et qui peut fatiguer en même temps que bouleverser.

Les acteurs sont magnifiques et magnifiquement dirigés, Gaspard Ulliel et Marion Cotillard, aux personnages réservés, Nathalie Baye, Léa Seydoux et Vincent Cassel, extravertis voire extravagants. À voir à partir du 21 septembre.

Les médecins à l'affiche

Avec « la Fille inconnue », de Jean-Pierre et Luc Dardenne, on est dans un tout autre registre. Ce pourrait être un polar puisqu'il y a un cadavre et une enquête. Ou un film social. C'est tout simplement, mais avec intelligence et sensibilité, le portrait d'une jeune femme qui se sent une responsabilité dans un drame et ne veut pas en rester là.

Cette femme est un médecin qui, au soir d'une très longue et dure journée, les heures de consultations très largement dépassées, n'a pas ouvert la porte. L'inconnue qui a sonné étant retrouvée morte, elle se sent le devoir de découvrir au moins son identité. Cela signe son avenir médical, donnant aux cinéastes l'occasion de mettre en valeur le métier de généraliste dans ce qu'il a de plus humaniste – et sans doute de moins en moins courant. Adèle Haenel est le grand atout de ce film un peu trop lisse qui sortira le 12 octobre.

Un médecin (un chirurgien plus précisément) est également le personnage principal de « Baccalauréat », du Roumain Cristian Mungiu (palme d'or pour « 4 mois, 3 semaines, 2 jours » en 2007). Sa profession n'est que l'un des éléments de cette réflexion sur une génération qui avait beaucoup d'espoirs après la chute des Ceaucescu mais n'a pu venir à bout de la corruption et des difficultés économiques. L'obsession de Romeo, la cinquantaine, est l'avenir de sa fille qui, selon lui, ne peut être heureuse que loin de la Roumanie. Elle va passer le bac, et si elle a une très bonne moyenne, elle ira étudier en Grande-Bretagne. Pour l'aider, Romeo se laissera prendre au piège des petits arrangements qui gangrènent le système, police et hôpital compris. Le personnage est attachant, jusque dans ses compromissions, et le film convaincant, dans sa sobriété.

Des médecins encore, dans « The Last Face », de Sean Penn, qui a pour cadre le Liberia et le Soudan du Sud ravagés par les conflits. Un film écrit, produit, réalisé et joué par des hommes et des femmes à la bonne volonté évidente, pour la plupart engagés dans des actions humanitaires ; un film soutenu par l'ONU, Médecins sans Frontières, Médecins du Monde et d'autres ONG.

On aimerait se convaincre qu'il va faire avancer la cause de la paix et des réfugiés. Mais l'histoire d'amour entre deux médecins (Javier Bardem, Charlize Theron), censés figurer deux conceptions de la façon d'aider les populations victimes de la guerre, est si lourdement mise en scène et les dialogues frôlent si souvent le ridicule que l'on a du mal à s'y accrocher. On a de la peine pour Sean Penn, dont le militantisme s'est ici trompé de moyens.

Effets néon

Parmi les déceptions, ou les perplexités, de la fin du festival, citons encore « The Neon Demon », de Nicolas Winding Refn, le cinéaste danois encensé de la trilogie d'action « Pusher » et de « Drive » (prix de la mise en scène en 2011). Son style flamboyant et m'as-tu vu s'exerce cette fois dans le milieu des mannequins à Los Angeles.

Le sujet en est l'obsession de la beauté, à travers les aventures d'une très jeune fille qui débarque de sa Géorgie natale dans toute son innocence (Elle Fanning). Cela ne finira pas bien, avec violence, vampirisme et même nécrophilie. Il y a de belles femmes, de belles robes, de belles images, de beaux rouges, des références cinéphiliques, des scènes provocantes. Mais pour dire quoi ? On n'a pas tout compris, il doit s'agir d'une métaphore. Pour les curieux, sortie le 8 juin.

 

 


Source : Le Quotidien du médecin: 9522