Deux femmes, une île, trois films

Danser, résister, tenir

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Publié le 29/09/2016
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Cinéma-La danseuse

Cinéma-La danseuse
Crédit photo : SHANNA BESSON

Cinéma-Aquarius

Cinéma-Aquarius
Crédit photo : VICTOR JUCA/CINEMASCOPO

Bien qu'elle ait révolutionné les arts scéniques au tournant du XXe siècle, l'Américaine Loïe Fuller reste peu connue, y compris de la plupart des passionnés de danse. Son histoire méritait d'être contée et c'est une jeune réalisatrice, Stéphanie Di Giusto, qui a osé se lancer, avec d'autant plus d'audace que « la Danseuse » est son premier film.

Faute de correspondre aux canons de beauté de l'époque, la fille de fermiers du Grand Ouest va s'inventer un geste, avec d'immenses voiles, manipulés à la force des bras par de longs bâtons, et de savants jeux de lumières. Pour la cinéaste, cette pionnière de la danse moderne « est à la base de l'abstraction et du spectacle multimédias ».

.Rien n'est facile pour cette artiste atypique, pas plus dans sa vie privée que dans sa carrière, même si elle eut son heure de gloire. Les deux se mêlent d'ailleurs le plus souvent, comme quand apparaît la très jeune et très douée Isadora Duncan.

Stéphanie Di Giusto parvient à faire revivre une époque et des lieux plus ou moins mythiques sans perdre de vue son personnage principal, auquel Soko (qu'on avait déjà admirée en patiente du Dr Charcot dans « Augustine ») apporte son énergie farouche et sa passion (sans oublier un entraînement intensif pour les scènes de danse). En Isadora Duncan, Lily-Rose Depp épate et l'on aime aussi, entre autres, Mélanie Thierry, Gaspard Ulliel ou François Damiens.

Seule contre les destructeurs

Autre portrait de femme déterminée, dans « Aquarius », du Brésilien Kleber Mendonça Filho. Incarnée par la grande et magnifique Sonia Braga (« Dona Flor et ses deux maris »), Clara tient tête au promoteur qui a racheté tous les appartements de son immeuble sauf le sien. Nous sommes à Recife, sur une avenue huppée qui longe l'océan. « Aquarius » (c'est le nom de l'immeuble) n'est pas un film d'action mais un film sur la résistance individuelle à l'économie de marché et à ce qu'elle peut détruire, notamment à travers les objets et constructions témoins du passé, de ce qui fait le prix de la vie. Clara, sexagénaire, rescapée d'un cancer du sein, repense à sa vie, ceux qu'elle aime ou a aimé. Tout est dit avec délicatesse, sans dramatisation.

Lampedusa au quotidien

Dans « Fuocoammare », c'est l'île de Lampedusa et ses habitants qui incarnent une forme de résistance. Le documentariste Gianfranco Rosi a voulu aborder le drame des migrants (au moins 15 000 morts parmi ceux qui ont tenté de traverser le canal de Sicile pour gagner l'Europe ces vingt dernières années) non à travers des témoignages, mais en filmant dans leur quotidien quelques-uns de ceux qui vivent et travaillent sur cette frontière symbolique (qui a d'ailleurs été déplacée des côtes vers la haute mer). Il y a un gamin de 12 ans qui tire avec sa fronde sur les cactus, un DJ de la radio locale et un médecin, Pierre Bartolo, directeur du petit hôpital de l'île, qui supervise les soins d'urgence aux migrants. Gianfranco filme aussi des opérations de sauvetage et cela donne des scènes poignantes, qui, comme les autres – encore moins que les autres– ne nécessitent aucun commentaire.

Pas de commentaires donc, pas de voix off, peu de musique. On est d'abord surpris par les parti-pris du cinéaste, dont le but n'est pas d'informer (« Nous sommes noyés par les informations ») mais de « créer une prise de conscience émotionnelle ». Mission accomplie par ce film qui a remporté l'Ours d'or du dernier festival de Berlin.

Et encore

Le film s'appelle « Radin » et l'acteur principal en est Dany Boon, vous devinez qu'il s'agit d'une comédie, signée Fred Cavayé. Le grand public est aussi sollicité par la nouvelle version des « Sept Mercenaires », réalisée par Antoine Fuqua, avec entre autres Denzel Washington, Ethan Hawke et Chris Pratt.

Pour les Parisiens, à ne pas manquer, la semaine prochaine, le festival du cinéma allemand (du 5 au 11 octobre au cinéma Arlequin), avec, entre autres, « Paula », de Christian Schwochow, sur la peintre Paula Modersohn-Becker, un focus sur Maren Ade, la réalisatrice de « Toni Erdmann », et la première adaptation allemande au cinéma du journal d'Anne Franck (www.festivalcineallemand.com).

 

Renée Carton

Source : Le Quotidien du médecin: 9521