Une devise malicieuse définit le Portugal en trois F : « Football, Fatima, Fado ». On pourrait ajouter Porto. Le vin et la ville. Là, le fleuve vient se jeter dans l’océan.
Il y a des collines, comme à Rome. Et le Douro, c’est encore plus beau que le Tage qui coule à Lisbonne. Dans ce décor méditerranéen au bord de l’Atlantique, on s’attend à des cris et à des femmes volubiles. Rien de semblable. Le haut de la ville, c’est Naples sans le son. Dans le bas, on a repeint les vieilles bâtisses des quais avec des couleurs italiennes.
Depuis qu’elle a été inscrite au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, la ville, avec ses labyrinthes et ses accumulations baroques d’or et d’azulejos, a entrepris des travaux de restauration pharaoniques. On dépoussière la vieille ville et on profite des friches pour se lancer dans une architecture ludique, comme le cube de verre et de béton de La Casa da Musica, sorte de « rock form » torturée par l’architecte hollandais Koolhas et plantée à la lisière de la place de Boavista.
Pour enjamber le Douro, quelques ponts sobres et effilés ont été ajoutés à celui qu’avait construit en 1877 Gustave Eiffel. Sur la rive gauche, les quais de Vila Nova de Gaia, une enfilade de caves aux noms prestigieux. C’est là que vieillit le porto. Chaque année, au solstice d’été, les barcos rabelos, sortes de nefs au profil phénicien, régatent sur le fleuve. Dans l’ancien temps, ces anciennes barques à voile descendaient 150 kilomètres depuis la région d'exploitation des vignobles pour livrer les tonneaux à Vila Nova de Gaia. Voyages à haut risque, naufrages chroniques.
En 1861, un bateau heurte des rochers lors de la descente des rapides de Cachão da Valeira, projetant tout le monde dans les eaux vives. Parmi les passagers, Dona Antónia Ferreira, fondatrice de la célèbre maison de porto. Elle survécut grâce à sa robe à crinoline servant de bouée de sauvetage. Le baron Forrester, également du voyage, disparut quant à lui, sans doute alourdi par les souverains d’or qu’il portait dans sa ceinture.
Le Douro était un fleuve maudit. Miguel Torga, l'un des écrivains les plus importants de la littérature portugaise du XXe siècle, le décrit ainsi : « Il commence à Miranda et finit à Foz, ce calvaire. Commence dans le roc et dans l’eau, et finit dans le roc et l’eau. Comme dans nos cauchemars, pas la moindre halte où se reposer. »
Le fleuve apaisé
Tout changea dans les dernières décennies du siècle dernier quand on décida de calmer ses eaux capricieuses en bâtissant des barrages flanqués chacun d’une écluse – cinq au total –, immenses cathédrales de béton qui servent aussi à fabriquer de l’électricité. Calmé mais pas dompté. Il manifeste encore de temps à autre ses humeurs par des crues spectaculaires et Porto se retrouve parfois les pieds dans d’eau.
Malgré cela, des bateaux-hôtels se sont mis à naviguer de Porto jusqu’à la frontière avec l’Espagne. On est alors dans le Portugal du nord. Très celtique, il se fond à la Galice espagnole. C’est la terre natale des grands voyageurs. Ici naquit Bartolomeu Dias, qui, le premier doubla le Cap de Bonne Espérance. Et Pedro Cabral, le premier homme de Rio : c’est lui qui découvrit le Brésil. Les uns et les autres n’étaient pas vraiment des conquistadores, plutôt des découvreurs, des gens moins animés par le désir de soumettre que par la pure et simple curiosité.
Aujourd’hui, le fleuve apaisé se répand en une succession de méandres, de détours et de lacets. Il zigzague, se disperse puis s’étrangle dans des défilés de roches sauvages. Les vignobles en terrasses qui surplomblent le Douro sont un concentré de l’énergie humaine. Depuis la nuit des temps, des générations de vignerons ont arraché au sol les roches schisteuses nécessaires à la construction de 6 000 kilomètres de murets. Un travail titanesque. Des quintas blanches plantées dans les vignes sont là pour transformer dans le secret des caves le raisin vendangé sur des pentes arides.
Chaque escale est l’occasion de se dissiper. À Guimaraes, on peut parcourir les remparts crénelés du château bâtis sur des affleurements rocheux. Une des sept merveilles du Portugal. Ou encore, se rendre à Lamego et gravir les 686 marches qui mènent au sanctuaire de Nossa Senhora dos Remédios, un escalier à double volée orné d'azulejos et hérissé d'une multitude de pinacles. Au sommet, la vue est immense.
Dans les environs de Vila Real, le Solar de Mateus est un joli manoir construit au début du XVIIIe siècle par Nicolau Nasoni. Une merveille de l’architecture baroque. Sa façade blanche flanquée d’un escalier à balustre se reflète dans un grand miroir d’eau. Tout autour, des pelouses plantées de cèdres, des parterres de buis à la française et un grand tunnel de verdure ; à l’intérieur, une succession de pièces richement meublées. La gare de Pinhão est une des plus célèbres du pays. Toute l’histoire de la vigne est racontée sur ses façades décorées de 25 panneaux d’azulejos, retraçant les travaux de la vigne et les paysages de la région à la manière d’une bande dessinée. Les azulejos, c’est tout ce qu’il y a de charnel dans la vie, mais pétrifié dans un four.
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