***« La Vie d’Adèle » : la beauté d’une passion
Trop long (presque trois heures), des scènes inutilement étirées, trop de gros plans, et pourtant le charme opère. Parce qu’Abdellatif Kechiche raconte une forte histoire d’amour et surtout parce qu’il offre, personnifiée par l’étonnante Adèle Exarchopoulos, un personnage féminin d’une grande richesse, qu’on suit du lycée jusqu’aux premières années de vie professionnelle. Le cinéaste de « la Faute à Voltaire » et de « l’Esquive », en faisant une institutrice amoureuse des livres, parle aussi du bonheur de transmettre.
« La Vie d’Adèle » est une adaptation libre de la bande dessinée « le Bleu est une couleur chaude », de Julie Maroh, qui raconte, planches de corps nus à l’appui, la passion de deux femmes. Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux affrontent avec naturel les scènes de sexe très explicites, que Kechiche a souhaité tourner « comme des tableaux, des sculptures ». Mais il serait dommage que cela soit le principal argument mis en avant lors de la sortie du film, le 9 octobre.
**« Nebraska » : survivre à la vieillesse
Rien de plus déprimant que la « comédie » signée Alexander Payne, le cinéaste qui avait su rendre émouvant Jack Nicholson dans « Monsieur Schmidt » et donné à George Clooney un beau rôle de père dans « The Descendants ». Ce qui ne veut pas dire qu’elle ne fait pas rire et qu’elle n’est pas réussie. C’est qu’elle met en scène le sujet très tendance actuellement au cinéma, vieillissement de la population oblige, le naufrage du grand âge. Bruce Dern (77 ans, dans le film on lui en donne plus) pense avoir gagné un million de dollars dans une de ces loteries où il s’agit en fait d’extorquer un peu d’argent à des personnes crédules. Il part seul à pied pour aller chercher son gain à l’adresse indiquée, loin d’où il habite, à Lincoln, dans le Nebraska. Impuissant à le détourner de son obsession, son fils décide de l’accompagner. D’où un road-movie dans l’Amérique profonde, tourné en noir et blanc, ce qui accentue l’impression d’entrer dans un monde d’un autre temps. Vieux décatis, jeunes obèses, buveurs de bière oisifs, Payne ne fait pas de cadeau à ses personnages et en même temps leur donne une grande humanité.
**« The Immigrant » : les risques du mélo
Les grand-parents de James Gray, juifs de Russie, sont arrivés aux États-Unis en 1923 en passant par Ellis Island. L’île du port de New York, lieu d’accueil – ou de rejet – des aspirants à l’immigration dans la première moitié du XXe siècle, a longtemps obsédé le réalisateur de « Little Odessa », qui y voyait un lieu hanté par les fantômes de sa famille. Il a pu y tourner des scènes clés de son 5e film, un mélodrame ayant pour une héroïne une jeune Polonaise catholique, qui y débarque avec sœur en 1921. James Gray, qui a écrit le scénario avec Richard Menello, s’est inspiré des photos prise par son grand-père ainsi que des anecdotes de l’un de ses arrière-grands-pères, tenancier de bar dans le Lower East Side à la même époque.
Un mélodrame ? Le cinéaste assume. Comment raconter autrement l’histoire d’Ewa, contrainte à des solutions extrêmes, dans le New York des immigrants pauvres et de la Prohibition, pour retrouver sa sœur, placée en quarantaine sur l’île pour cause de tuberculose ? Comment représenter autrement « cette condition psychologique très moderne qu’est la co-dépendance », à savoir la relation d’Ewa et de celui qui l’utilise tout en l’aimant ?
Mais James Gray n’a pas évité tous les pièges du mélo. Dans les situations et dans le jeu de ses comédiens. Marion Cotillard est plutôt bien, mise en valeur par des images superbement éclairées. Mais on a connu Joaquin Phoenix moins premier degré, plus ambigu. Malgré tout, on se laisse entraîner. La force de ce lieu et de ses fantômes et celle d’une mythologie à laquelle le cinéma américain a beaucoup contribué. (Sortie le 27 novembre)
*« Michael Kohlhaas » : un combat incompris
Cinéaste ambitieux, Arnaud Des Pallières adapte une nouvelle célèbre de Kleist qui avait déjà inspiré Volker Schlöndorff, l’histoire d’un homme que la volonté de voir réparée une injustice qui lui a été faite conduira à lancer une guerre mais aussi à une forme d’intransigeance aveugle que l’on peut juger immorale. Cela se passe au XVIe siècle dans les Cévennes et le cinéaste a su parfaitement tirer partie des paysages arides de la région (et du Vercors), où il fait chevaucher ses personnages dans de très belles images, un Mads Mikkelsen impressionnant en tête. Mais on peine à comprendre les motivations de Kohlhaas et ses affrontements avec le pouvoir ou les théologiens (un beau rôle pour Denis Lavant). Les intentions du réalisateur ne sont pas toujours claires. Dommage, on a frôlé le grand film. (Sortie le 3 juillet)
*« Only God Forgives » : le style ne suffit pas
Après « Drive », Nicolas Winding Refn embarque Ryan Gosling en Thaïlande, en compagnie de Kristin Scott Thomas, pour une sombre histoire de vengeance familiale façon Atrides. L’acteur, qui n’a que quelques répliques, déambule comme un somnambule, c’est voulu, dans des couloirs sombres aux lumières rouges : il incarne Julian, directeur d’un club de boxe thaïlandaise et petit trafiquant de drogue, sommé par sa mère en furie de venger le meurtre de son frère, lequel a massacré une prostituée. Ce n’est pas si simple, car il trouve sur sa route un mystérieux policier à la retraite, maniaque des objets tranchants, qui incarne un peu le dieu du titre. La mise en scène a beaucoup de style mais c’est au service d’une histoire qui n’existe que par les scènes de tortures et de tueries, plus sanglantes les unes que les autres. Cela finit par être pénible. Une déception.
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